Télécharger le PDF

En mars ou avril 2025 se tiendront les premières négociations réglementaires officielles autour du point d’indice.

Ce rendez-vous annuel obligatoire est une demande de notre syndicat obtenue dans l’accord de sortie de grève que nous avons signé avec le gouvernement.

Nous considérons en effet qu’il est important que chaque année, syndicats représentatifs de la fonction publique et gouvernement, s’assoient autour d’une table pour discuter du partage de la croissance !

Une fonction publique créée pour réduire de 25 % les salaires à l’embauche

Lors de la création du statut de la fonction publique, les grilles salariales ont été copiées de l’hexagone avec application d’un coefficient majorateur de 40 %. Il fallait générer des économies dans le recrutement d’agents publics pour éponger les errements budgétaires de l’ère LEONTIEFF. Le « Pacte de Progrès » a ainsi inscrit la nécessité de réduire les dépenses de personnel, ce que permettait le statut d’autonomie.

C’est ainsi que les grilles ont été réduites de 24 % en moyenne par rapport au statut ANFA de l’époque.

La première valeur du point d’indice a été fixée par arrêté n°443 CM du 6 mai 1996 à 854 F.CFP et sa dernière par arrêté n°296 CM du 1er mars 2023 à 1 060 F.CFP (à la faveur d’un geste électoraliste). La valeur du point d’indice a ainsi augmenté de 24 % depuis mai 1996, soit un taux de croissance annuel moyen de 0,70 %.

Un recul du pouvoir d’achat des fonctionnaires de 18 %

Sur la même période, l’indice des prix à la consommation est passé de 78,6 en mai 1996 à 111,4 en décembre 2024, soit une croissance de 42 % correspondant à un taux de croissance annuel moyen de 1,2 %.

Ainsi, la perte de pouvoir d’achat des fonctionnaires atteint aujourd’hui près de 18 %. En moyenne annuelle, l’inflation aura donc progressé presque de deux fois plus vite que le point d’indice.

Des salaires qui croissent trois fois plus vite dans l’économie

De 1996 à 2024, le salaire moyen déclaré à la CPS pour un emploi équivalent temps plein a progressé de 74 %, soit un taux de croissance annuel moyen de 2 %, un rythme 3 fois plus élevé que celui du point d’indice…

Cette divergence majeure a réduit l’attractivité de la fonction publique territoriale, expliquant les difficultés de l’administration à recruter du personnel qualifié.

Ce désintérêt pour la fonction publique de la part des plus diplômés est également accentué par les conditions de reprise d’ancienneté très défavorables comparées à celles plus flexibles du secteur privé.

SMIG et catégories D…

La valeur horaire du SMIG brut est passée de 516,84 F.CFP en mai 1996 à 1 024,74 F.CFP aujourd’hui. Cela représente une progression de 98 %, soit un taux de croissance annuel moyen de 2,5 % (presque 4 fois plus vite que l’évolution du point d’indice). Le SMIG, alors de 80 000 FCFP, a dépassé rapidement les salaires de départ des ouvriers non qualifiés du Pays, fixés à 106 000 FCFP.

Les bas salaires de l’administration (catégorie D) n’ont ainsi augmenté que sous la poussée des minima sociaux, mais pas les autres. Faute d’effet domino, les grilles des ouvriers non qualifiés ont été écrasées sous la pression de l’augmentation du SMIG. Les concernant, il est aujourd’hui difficile de parler de « carrières ». Les salaires, même avec ancienneté ne décollent plus du SMIG qui rattrape le salaire des plus anciens.

ANFA, le confort du calage automatique sur l’inflation

La situation des ANFA est plus confortable que celle des salariés rémunérés au SMIG. La réglementation indexe le SMIG dès lors que l’inflation dépasse 2 %, alors qu’elle indexe le salaire des ANFA dès lors que l’inflation dépasse 2 points.

La nuance est de taille… Plus l’indice des prix à la consommation s’écarte de sa base 100 et plus les deux points d’inflation sont vite atteints. Pour comprendre cela, lorsque l’indice de référence vaut 100, 2 points d’indice ou 2 % d’inflation sont atteints lorsque l’indice vaut 102 (aucune différence). Cependant lorsque l’indice vaut 110, les 2 points déclenchant la revalorisation des ANFA sont atteints lorsque l’indice vaut 112 (1,8 % d’inflation) alors que le SMIG devra attendre un indice des prix à la consommation à 112,2.

Illustration du phénomène…

Indice de base2 PointsInflation2 %Ecart 2%-2 points
100,00102,002,00%102,000,00
105,00107,001,90%107,100,10
110,00112,001,80%112,200,20
115,00117,001,70%117,300,30
120,00122,001,70%122,400,40

Il découle de ce mécanisme que sans la forte revalorisation du SMIG imposée en 2006 par Monsieur Jacqui DROLLET, le salaire des ANFA aurait progressé plus vite que le salaire minimum garanti. Mais à défaut, le salaire des ANFA a progressé plus vite que l’inflation depuis 1996 (+ 47 %). Cette progression correspond à une croissance annuelle moyenne de 1,3 %, deux fois plus vite que le point d’indice.

Il est pour le moins singulier que l’augmentation des ANFA ne provoque l’objection d’aucun gouvernement, pas même l’évocation de la moindre préoccupation budgétaire, alors que le moindre franc d’augmentation du point d’indice soulève une opposition quasi systématique du gouvernement.

En résumé…
Voici graphiquement résumées les évolutions des différents indicateurs présentés. Cela dresse une parfaite illustration de l’inégalité subie par les fonctionnaires depuis 1996.

Quelles possibilités ?

Si aujourd’hui le gouvernement souhaitait simplement rattraper la perte de pouvoir d’achat subie par les fonctionnaires depuis la mise en place de la fonction publique, le point d’indice devrait atteindre 1 247 F.CFP en 2025 (+18 % ou 187 F.CFP d’augmentation). Si ce montant paraît élevé, il ne serait que justice sur le plan économique et sur le plan d’une équité de traitement avec les ANFA.

Si le gouvernement souhaitait rendre la fonction publique de nouveau attractive par le biais de meilleures rémunérations et caler ainsi l’évolution du point d’indice sur ce qui s’est passé dans l’économie, le point d’indice devrait atteindre 1 485 F.CFP (+ 40 % ou 425 F.CFP de progression). Ce résultat qui peut sembler irréaliste est pourtant celui que l’économie a appliqué aux salariés, sans que cela ait lourdement impacté un marché de l’emploi qui se porte plutôt bien au regard des analyses produites par l’ISPF et l’IEOM.

Le déclassement des salaires versés par le Pays à ses salariés explique en grande partie la perte d’attractivité de la fonction publique dans le recrutement de personnel qualifié. Le Pays paie mal !

La pire solution ? que le gouvernement continue sur la ligne actuelle de + 0,7 % par an. Cela conduirait le point d’indice à 1 076 F.CFP en 2025 (+1,5 % ou 16 F.CFP d’augmentation par rapport à la dernière révision de 2023). Cela creuserait un peu plus la perte de pouvoir d’achat compte tenu d’une inflation plus rapide.

Pareille proposition viendrait entériner la détérioration constante de la rémunération des fonctionnaires, ce qui serait difficilement acceptable.

La position du SFP

Difficile de rattraper trente années d’abandon en une seule fois. Aussi, nous sommes réalistes sur l’impossibilité d’une augmentation du point d’indice de 20 %. En revanche, nous pensons que le point d’indice devrait passer de 1 060 F.CFP à 1 150 F.CFP en 2025, soit 8,5 % d’augmentation.

Il s’agit du minimum pour ne pas renforcer la perte d’attractivité des emplois du Pays et compenser en partie les pertes de pouvoir d’achat.

Cela représente un effort annuel d’environ 2,6 milliards de F.CFP. Et si cet argent repart intégralement dans l’économie, cela représente 1 100 emplois équivalents temps plein rémunérés à 180 000 F.CFP bruts. Bien évidemment cela ne sera pas le cas, mais la retombée économique sera toujours plus grande qu’avec la défiscalisation pour un budget deux fois moindre…

Changer de paradigme…

Dans une économie fortement exportatrice avec un solde positif du commerce extérieur, c’est effectivement le secteur privé qui nourrit l’économie et finance la puissance publique.

Dans une économie à fort déficit extérieur, le secteur privé est en réalité fortement tributaire de la dépense publique. Contrairement au discours lancinant du secteur privé, ce ne sont pas leurs impôts qui financent les fonctionnaires mais davantage la dépense publique qui finance leur activité (et génère en retour des impôts).

C’est la raison pour laquelle le secteur privé passe son temps à faire du lobbying auprès du gouvernement pour obtenir toujours plus d’investissements publics, de défiscalisation et autres avantages publics…

Ce que les détracteurs des fonctionnaires analysent mal, c’est le rôle fondamental des agents publics dans une économie qui ne connaît aucun système redistributif. Ce que l’on appelle un système redistributif, c’est globalement un impôt sur les revenus qui prend aux plus nantis pour épauler les plus démunis.

Les fonctionnaires qui représentent globalement la « classe moyenne » diffusent et répartissent l’argent public dans toute l’économie du Fenua par leur consommation, et ils créent ainsi des emplois dans le secteur privé. Plus les fonctionnaires dépensent, plus l’emploi se porte globalement bien dans l’économie.

Et il se porte même bien mieux qu’avec la défiscalisation qui ne crée pas d’emploi et qui ne profite qu’à quelques rares privilégiés. Les analyses économiques menées sur la défiscalisation ont démontré l’absence de création d’emploi ainsi qu’une incapacité totale à modérer l’inflation.

Ainsi, en mars ou avril prochain, ce n’est pas que la rémunération des fonctionnaires qui se joue dans les négociations qui auront lieu autour du point d’indice. C’est aussi et surtout le volume d’argent supplémentaire qui sera réinjecté dans l’économie et créera des emplois.

L’impact de la dépense des fonctionnaires est particulièrement fort pour l’économie car il s’agit d’un volume de dépense conséquent.

Nous ne pouvons que nous satisfaire de l’évolution du SMIG pour les plus bas revenus. D’ailleurs, ceux qui trouvent que le SMIG est trop élevé en Polynésie française devraient se souvenir que le salaire minimum est encore plus élevé dans l’hexagone avec des charges patronales elles aussi plus conséquentes. Pourtant, le coût de la vie est bien plus élevé sur le Fenua qu’en France hexagonale… Donc le coût du travail est plutôt bas au Fenua !

Impacts budgétaires et relance économique

Le rattrapage de la perte de pouvoir d’achat subie par les fonctionnaires nécessite une augmentation de 18 % du point d’indice. Pareille progression représenterait un impact budgétaire d’environ 6 milliards de F.CFP, un chiffre globalement équivalent à celui alloué annuellement au système de défiscalisation…

Pour caler l’évolution du point d’indice sur ce qu’il s’est passé pour l’ensemble des salaires dans l’économie, l’augmentation devrait atteindre 40 %. L’impact budgétaire avoisinerait alors les 14 milliards de F.CFP.

Lorsqu’on parle d’impact budgétaire, il ne faut pas oublier qu’une grande partie de ce supplément financier serait réinjecté dans l’économie chaque année.

Or 6 milliards de F.CFP redistribués dans l’économie représentent 2 500 emplois à temps plein pendant une année, rémunérés 180 000 F.CFP bruts par mois.

L’injection de 14 milliards de F.CFP représentent 5 800 emplois salariés par an à temp plein rémunérés 180 000 F.CFP bruts par mois.

Par ces chiffres, on prend un peu plus la mesure de l’impact de la dépense des fonctionnaires dans l’économie…

Dès lors, avant de stigmatiser les fonctionnaires et la charge financière qu’ils représentent, il faudrait peut-être considérer qu’une économie sans grandes exportations comme la Polynésie française ne créerait quasiment pas d’activité économique ni d’emploi sans la dépense de ses fonctionnaires.

Nous vous rappelons que nous sommes à votre disposition pour tout problème que vous pourriez rencontrer, que vous soyez affilié(e) ou non à notre centrale.