En premier lieu, nous profitons de cette première lettre mensuelle de 2025 pour vous adresser nos meilleurs vœux : une très bonne santé pour vous et vos proches et une complète rémission pour ceux qui luttent malheureusement contre des maladies.
La fin de 2024 et le début de 2025 sont marqués par de nouvelles « passes d’armes » entre le gouvernement et certaines organisations syndicales. Difficile d’y comprendre quelque chose, alors essayons d’apporter quelques éclairages.
Des élections à venir
Fin 2025 se tiendront les élections des représentants du personnel dans les Comités Techniques Paritaires. Pour beaucoup, il s’agit encore d’un « machin » dont il ne ressort en général pas grande chose.
Cependant, pour les syndicats, l’enjeu est de taille puisqu’au travers de ces élections se jouent leurs heures de décharge d’activité. Ce sont elles qui permettent aux représentants syndicaux de consacrer tout leur temps à leur activité syndicale. Plus un syndicat dispose d’heures de décharges et plus il peut mettre du personnel à la disposition de son activité.
L’approche de ces élections incite donc bien des syndicats à tout mettre en œuvre pour rappeler qu’ils existent.
A chaque syndicat, son style. Pour autant, il arrive que les grands oubliés de ces démonstrations de force ou de com’ soient parfois les agents publics eux-mêmes.
Les suppôts du gouvernement
La CSTP FO et A Tia I Mua s’affichent comme les suppôts du gouvernement. Ils soutiennent presque sans limite tous les projets de texte du gouvernement. Ils en arrivent même à se prendre les pieds dans le tapis de leurs contradictions.
Dans certains cas, les décisions semblent même avoir été arbitrées en amont du Conseil Supérieur de la Fonction Publique entre le gouvernement et ces deux organisations syndicales. Mais quel gain pour les agents ?
La CSTP FO a développé beaucoup d’énergie, voire de lobbying, pour faire passer le plus vite possible certains textes destinés à reclasser des agents de catégorie B en catégorie A en raison d’un niveau d’étude requis aujourd’hui supérieur à la licence. Ils ont visiblement fait du lobbying pour que les nôtres soient relayés à des dates ultérieures.
Assistants socio-éducatifs, infirmiers, la CSTP FO s’est collée à l’affaire en proposant des délibérations au gouvernement. Même dynamisme pour soi-disant simplifier des grilles de carrières comme celles des psychologues ou des conseillers socio-éducatifs.
Seulement pour faire vite et permettre à la pilule de passer auprès du gouvernement, ils en ont oublié l’essentiel : le gain social des agents.
Ces derniers temps, la CSTP FO épingle régulièrement notre syndicat sur les réseaux sociaux pour nous être opposés à leurs projets de textes lors des Conseils Supérieurs de la Fonction Publique. Et pour cause !
Ces textes votés contre nos orientations, prévoient effectivement le reclassement de certains cadres d’emploi de catégorie B à A afin de tenir compte d’un niveau d’étude requis ayant progressé. Sur cela, nous sommes d’accord.
Seulement ces textes préparés par la CSTP FO adoptent tous une méthode de reclassement qui pénalise les agents. Celle-ci consiste à les repositionner dans les nouvelles grilles à l’indice immédiatement supérieur ou égal avec perte de l’ancienneté acquise.
Le gain en rémunération est alors extrêmement faible, voire inexistant pour certains, avec en plus la perte de l’ancienneté acquise ! Comme exemple de paroxysme de l’absurdité, mentionnons les assistants socio-éducatifs du 6ème échelon qui sont reclassés en catégorie A sans aucun changement de rémunération avec en plus la perte de leur ancienneté acquise ! Oui, vous avez bien lu !
C’est sans doute la première fois qu’un syndicat se gargarise d’avoir détruit les droits acquis de certains agents.
Ce n’est que l’intervention de notre syndicat qui a permis aux infirmiers de préserver leur l’ancienneté acquise !
Quel est le sens d’un reclassement de catégorie B à A sans augmentation de salaire ? La réponse mot pour mot de la CSTP FO est tout à fait surprenante : « L’important est la reconnaissance psychologique du passage en catégorie A ». Les psychologues apprécieront.
Pour notre centrale, ce reclassement devait permettre une véritable reconnaissance salariale et non une reconnaissance « psychologique ». Alors oui, nous nous sommes opposés à ces textes lors des Conseils Supérieur de la Fonction Publique où ils ont été examinés. Nous avons même proposé des méthodes de reclassement plus avantageuses, mais la CSTP FO et A Tia I Mua les ont rejetées, préférant faire front avec le gouvernement.
Aujourd’hui, les psychologues qui ont ouvert le bal de cette « modernisation », se mordent les doigts. Ils avaient fait aveuglement confiance à la centrale syndicale et très vite ils se sont aperçus qu’ils ont à la fois servi de dinde et de farce. Ils cherchent aujourd’hui à revenir sur le texte mais le chemin s’annonce difficile. Même chose avec les assistants socio-éducatifs, les conseillers socio-éducatifs et bientôt les infirmiers.
Grace à notre préavis de grève, nous avons obtenu deux rectifications pour ces textes, l’une certaine, et l’autre malheureusement plus hypothétique :
- La conservation de l’ancienneté dans le reclassement (acquis pour les infirmiers et à débattre pour les autres cadres d’emploi concernés) ;
- L’étude par nos soins de nouvelles méthodes de reclassement plus avantageuses pour les agents (à débattre).
Ainsi, psychologues, assistants socio-éducatifs, conseillers socio-éducatifs et infirmiers ont-ils été sacrifiés sur l’autel de l’agitation et de l’orgueil syndical. Nous le déplorons.
Bien évidemment le gouvernement a fait ses choux gras de pareilles méthodes de reclassement puisqu’elles permettent de faire passer à peu de frais des agents de catégorie B à A. Mais n’oublions pas, ironiquement, l’important était la reconnaissance psychologique…
Il y a surtout derrière cela un « marketing syndical » pré-électoral pour se faire mousser en donnant l’impression d’avoir fait quelque chose l’année de l’élection…
Des revendications ambitieuses, peut-être trop
La FRAAP de son côté a opté pour le rapport de force en surfant sur son rayonnement auprès des pompiers d’aéroport. Après quelques jours de grève fin 2024, elle menace de nouveau, en ce début 2025, de provoquer de nouveaux débrayages.
Les revendications de son premier mouvement ont globalement été satisfaites hormis la revalorisation du point d’indice. Il faut concéder au gouvernement que la demande initiale apparaissait comme peu réaliste. Celle-ci s’est finalement commuée en une demande légitime de revalorisation des catégories D et elle a reçu un avis plutôt favorable du gouvernement.
La gestion d’une grève est très délicate, surtout lorsqu’elle est assortie d’un blocage des populations via les aéroports. C’est la raison pour laquelle la population n’a globalement pas apprécié ce mouvement.
Mais à l’approche des prochaines élections des comités techniques paritaires, la FRAAP ne souhaite-elle pas aussi rappeler qu’elle existe, surtout pour la défense des droits des catégories D dans lesquelles elle est très représentée ?
Les carrières des catégories D sacrifiées pour de la com’
Les négociations sur les grilles de rémunération ont eu lieu et comme à l’accoutumée, la CSTP FO et A Tia I Mua se sont positionnés en grands défenseurs de la cause gouvernementale.
Douze points de gagné pour le premier échelon… puis un effet domino très vite amorti sur les premiers échelons et finalement les plus hauts échelons qui ne bougent pas.
Le premier échelon ne concerne que peu d’agents, en revanche, les agents de catégorie D vont dorénavant stagner longtemps dans leurs carrières. La majorité des agents de catégorie D dont les grilles sont désormais très tassées ne verront leurs salaires progresser que de 1 % à 2 % tous les trois ou quatre ans. A supposer un cadre inflationniste annuel modéré (entre 1 et 2%) et ils perdront chaque année du pouvoir d’achat.
Alors oui, la FRAAP, la FISSAP et notre syndicat nous sommes opposés à pareille mascarade. Paradoxalement la CSTP FO comme A Tia I Mua se gargarisent d’avoir permis ce qu’ils considèrent une « avancée ».
Faire stagner les carrières des agents pendant presque 10 ans, leur faire perdre du pouvoir d’achat de manière mécanique est une véritable régression que le gouvernement et certaines organisations syndicales tentent pourtant de faire passer comme un « progrès social » à grand renfort de com’ !
Pour autant, la CSTP FO et A Tia I Mua essayent simplement de « Rafler ce qu’il y avait sur la table » des négociations et qui avait été obtenu par le seul effort de la FRAAP. Cela en dit long sur l’absence de limite du secrétaire général de la CSTP FO pour tenter de reprendre le leadership dans la fonction publique.
La posture gouvernementale
Il semble que le gouvernement actuel, tout comme la quasi-totalité de ceux qui l’ont précédé, soit relativement méfiant, voire défiant vis-à-vis des fonctionnaires.
Les menaces du Président de révéler auprès d’autorités étrangères les noms de grévistes a de quoi troubler. Comme quoi les règles du Règlement Général de Protection des Données (RGPD) peuvent s’avérer purement décoratives pour la plus haute autorité du Pays.
Les fonctionnaires n’autogèrent pas leur administration. Ils subissent la gestion de leur hiérarchie, à savoir du gouvernement.
Les fonctionnaires sont d’abord des salariés d’une très grande « entreprise » de production de services. Ils ont des contrats ainsi que des droits et des devoirs régis par des textes. C’est rigide, mais c’est ainsi.
Peut-être est-ce pour contourner cette rigidité que l’on assiste à la création d’entités parapubliques dans lesquelles les recrutements et les rémunérations sont bien plus flexibles que dans la fonction publique.
Lorsque semble s’instaurer une certaine défiance vis-à-vis des fonctionnaires, le dialogue perd en fluidité. Le quotidien nous révèle régulièrement le décalage entre certaines « postures » et certains « actes ». Notre dernière « Tranche de vie de janvier 2025 » relative au tapis rouge déroulé à un FEDA en était l’illustration.
La problématique financière et budgétaire est indéniable et les fonctionnaires ont déjà accepté de nombreux sacrifices. Cependant, elle ne peut pas être la seule et unique objection aux propositions que nous formulons, surtout quand l’économie se porte bien avec des excédents fiscaux conséquents.
Peut-on décemment penser qu’il est possible de faire passer des agents de catégorie B à A sans que leur rémunération ne subisse une progression notable ? L’inverse reviendrait à penser que les agents de catégories A devraient être payés comme ceux des catégorie B, les B comme des C, les C comme des D et par voie de transitivité, les A comme des D. Ces catégories conservent-elles alors un sens pour le gouvernement ?
Peut-on uniquement faire progresser les indices des premiers échelons des catégories D sans faire évoluer les plus hauts ? Comme j’ai pu l’écrire aux représentants du Conseil Supérieur de la Fonction Publique, « Lorsque le SMIG s’accroît et qu’il n’y a pas d’effet domino, c’est-à-dire de répercussion sur les catégories supérieures, alors on fabrique des smicards ». Alors oui, améliorer les grilles de rémunération a un coût certain si l’on souhaite le faire de manière juste.
Pour autant, nous sommes presque systématiquement ramenés à cette préoccupation purement budgétaire, comme si nous, fonctionnaires, étions responsables de la structure actuelle de notre administration.
Les problèmes structurels de notre administration sont le fruit de décisions politiques et de rien d’autre. Ce sont donc bien les politiques qui nous ont gouverné jusqu’à aujourd’hui qui portent la responsabilité de notre configuration.
Le nombre d’agents publics, la masse salariale, les inégalités de traitement, les avantages accordés à certains et pas à d’autres, etc., sont le résultat de choix politiques et non de décisions prises par les fonctionnaires eux-mêmes.
Avoir des services administratifs et des entités parapubliques pour traiter de sujets peu ou prou équivalents, résulte de décisions purement politiques.
Tenter de reproduire à l’identique d’année en année notre administration sans chercher à la restructurer est aussi un choix politique. Remplacer de manière presque systématique chaque agent placé en retraite par un autre agent est aussi un choix purement politique.
Ne pas avoir de projet de long terme pour améliorer l’efficience de notre administration est aussi un choix politique.
Cet immobilisme, propice au gonflement de notre administration, n’est ni le résultat de décisions prises par les fonctionnaires eux-mêmes, ni même la conséquence de choix syndicaux.
Alors sans doute est-il temps que nos dirigeants changent de paradigme. Redouter toute réforme ou la ramener à une portion congrue car elle risque de faire grossir la masse salariale est un argument de plus en plus discutable aujourd’hui.
Un mal structurel
Que coûtent les officines qui font globalement le même travail que certains services administratifs ? Quel gain en efficience avons-nous eu en payant deux fois des frais structurels ? Les politiques ont ainsi fait le choix de dédoubler certains pans de notre administration, en créant des entités parapubliques dans lesquelles les rémunérations sont plus conséquentes que dans les services administratifs. Pas étonnant alors que la masse salariale s’accroissent !
Le secteur du logement social est sur ce point symptomatique. Les logements manquent ? Alors on crée une nouvelle structure, comme récemment sous forme de SAS, et qui consomme en frais de fonctionnement l’argent destiné à la construction.
La répartition des agents de catégories A, B, C et D au sein de notre administration ne suscite aucun questionnement hormis celui de la chambre territoriale des comptes. Pourquoi ? Le champ d’intervention de notre administration ne soulève aucun débat. Pourquoi ?
Poussons la logique du gouvernement
Si la problématique budgétaire est si centrale à chaque fois qu’une proposition améliorant la situation des agents est avancée, allons au bout de la logique.
Dans tout système rationnel, lorsque l’on considère le volume de dépense trop important, on coupe ! On s’attaque d’abord à ce qui est le plus futile et l’on progresse ainsi vers le plus essentiel.
Pourquoi ne pas commencer par fermer les entités parapubliques qui font doublon avec les services administratifs ?
Soyons intentionnellement provocants…
Nous disposons par exemple d’une flottille administrative conséquente avec de nombreux agents. Pour autant les bateaux du Pays, plutôt vétustes, sont rarement en mer. Quel est alors le sens de maintenir pareil service ?
Agriculture, équipement, culture, dans tous les domaines il y a des sources potentielles d’économie… Mais il est difficile d’arbitrer des décisions qui touchent à l’humain ! C’est là que la logique du gouvernement trouve le bout de son chemin. Alors on pose des patchs tantôt pour satisfaire à droite, tantôt pour satisfaire à gauche et l’on accroît les inégalités !
Quand la logique prend fin
Notre syndicat s’est déjà positionné sur ce terrain à de nombreuses reprises. Les deniers publics financent aujourd’hui de nombreuses entités dont l’utilité est très difficile à démontrer. Certaines font véritablement doublon avec nos propres services administratifs. N’y a-t-il pas ici des décisions simples et rationnelles à adopter ?
Notre administration est jugée trop volumineuse ? Pourquoi n’y a-t-il pas un programme pour exiger de chaque service et établissement le maintien du même service public avec un nombre décroissant d’agents en imposant la destruction de certains postes une fois les agents placés en retraite ?
Dans certains cas, ce qui pose un problème, c’est l’absence de vision et de perspective. On ne voit pas aujourd’hui l’utilité de certains services car on ne les inscrit pas dans de véritables projets !
La flottille administrative devrait ainsi disposer d’un bateau dispensaire bien équipé qui tournerait en permanence entre les îles et les atolls du Fenua. Son rôle devrait être d’apporter les services publics au plus près de nos populations, comme la santé ou la justice par exemple.
Le service de l’agriculture devrait avoir pour mission de faire proliférer des espèces à haute valeur ajoutée pour les générations à venir : bois pour la sculpture et l’ornement (santal, maru maru, tou), fleurs pour la parfumerie, plantes médicinales, etc.
Le service de la mer devrait intervenir pour le développement d’élevages piscicoles afin que du poisson local de qualité puisse remplacer un panga importé et dont l’élevage et la qualité sont très controversés.
Ces projets devraient s’inscrire dans la notion de filière avec un lien vers l’industrie et le secteur privé. Mais pour cela, encore faut-il avoir une vision et surtout de la détermination…
Parallèlement les gouvernements continuent de déverser des sommes considérables sans étude d’impact
La défiscalisation a permis aux riches de devenir plus riches sans aucun impact véritable sur l’emploi et les prix. Il s’agit pourtant d’argent public qui aurait dû être utilisé pour le public. Immobilier, bateaux, hôtellerie, quel impact de ces milliards accordés aux plus riches sur les prix et l’emploi ? Existe-il une étude d’impact, a minima une analyse ?
Le secteur primaire bénéficie d’une masse d’avantages considérables :
- Restrictions partielles ou totales à l’importation des produits en provenance de l’extérieur, que ce soit sur les fruits, les légumes ou le poisson ;
- Exonérations fiscales à tous les niveaux pour les professionnels (essence à environ 45 F.CFP le litre pour les pêcheurs, pas d’impôt sur les revenus de leur activité en dessous d’un certain seuil pour les agriculteurs, exonération de droit, de patente ou de TVA pour des opérations de maintenance pour les navires, etc.) ;
- Aides à l’équipement jusqu’à 80 % de l’investissement pour le matériel des agriculteurs (les autres secteurs sont limités à 50 % en matière d’intervention publique) ;
- Aide à l’achat pour les engrais pour les agriculteurs des îles, prise en charge du fret de certains produits ;
- Etc…
Il serait intéressant que les décideurs politiques commandent un inventaire des aides accordées au secteur primaire et qu’une évaluation de cette politique publique soit faite.
Avec des carottes autour de 475 F.FCP le kg ou des tomates à 800 F.CFP le kg on comprend mieux pourquoi les bas salaires du public ou du privé ne consomment que du riz à 134 F.CFP le kg et des cuisses de poulet congelées PPN à 373 F.CFP les 2 lb. Aucun consommateur n’a pu à ce jour constater les effets de ces aides sur les prix des produits locaux.
Alors dès qu’un projet de réforme tend à recréer de l’équilibre au sein de la fonction publique, il est inconvenant (pour rester poli), que l’on nous objecte systématiquement une « problématique budgétaire ».
Nous vous rappelons que nous sommes à votre disposition pour tout problème que vous pourriez rencontrer, que vous soyez affilié(e) ou non à notre centrale.