Je travaille dans un service du Pays à vocation économique. Ce service exerce notamment des missions de contrôle et pour cela il envoie des agents dans les îles.
Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, ces contrôles réglementaires, qui n’ont rien de bien compliqué, étaient effectués par des agents de catégorie B ou C. Compte tenu du caractère spécifique des îles et de l’approche culturelle particulière à adopter dans ces endroits reculés, le service avait pris soin d’envoyer du personnel local, ou bien des agents intégrés de longue date au Fenua.
Mais voilà que depuis quelques temps, un Fonctionnaire d’Etat Détaché dans notre Administration, un FEDA, s’empresse de saisir toutes les opportunités possibles pour effectuer ces contrôles.
Au départ cet agent a été recruté pour ses compétences en matière de formation. Pour autant, ses formations n’ont été ont été délivrées qu’avec une extrême retenue, juste ce qu’il faut pour revendiquer que quelque chose a été fait. Le problème, c’est que la formation ne fait pas beaucoup bouger et la Polynésie est un vaste et beau territoire. Alors, il s’est progressivement formé à la géographie du Fenua en s’orientant davantage vers le contrôle, délaissant la formation pour laquelle il avait été recrutée. Ainsi aujourd’hui prend-t-il soin de planifier des contrôles dans les îles et atolls qu’il ne connaît pas. Lorsqu’un planning propose de revenir sur un endroit qu’il a déjà découvert, il ne s’inscrit pas. En revanche, il est le premier à s’imposer dès lors qu’il s’agit de découvrir un nouvel espace de beauté… aux frais de l’administration. S’il n’y avait que cela, l’affaire prêterait simplement à sourire.
Mais voilà que pour tenter de conserver un cadre dont notre administration a réussi à se passer pendant des années, notre hiérarchie est en passe de lui attribuer des Indemnités de Sujétions Spéciales au niveau 37, soit 180 000 F.CFP par mois après abattement des 10% !!!
Qu’est-ce qui peut justifier pareil traitement pour un FEDA dont notre administration a parfaitement su se passer pendant des années ? Pourquoi accorder autant de privilèges à une personne dont les compétences en formation sont sans doute légitimes, mais qui n’apporte pas ce pour quoi il a été recruté ? Pourquoi tous les agents qui l’ont précédé sur les mêmes fonctions n’ont-ils jamais bénéficié de la moindre incitation financière ?
Notre administration marche même sur la tête car il est irrationnel d’envoyer un cadre A effectuer ce type de contrôle alors que bien des agents de catégorie B ou C locaux y sont rodés. Comment peut-on après cela nous parler de la nécessité d’une bonne gestion des deniers publics quand on gaspille ainsi la ressource ? Depuis que l’information est connue, je suis démoralisé et abattu, comme bon nombre de mes collègues. Quel mépris, quel manque de considération pour tout le travail que nous avons accompli avant que ce FEDA ne soit recruté !
Avant son arrivée, les contrôles étaient effectués sans difficulté et sans lui, ils le seraient également. Par ailleurs, n’ayant pas encore totalement assimilé la culture locale, il ne participe pas véritablement à la bonne perception de notre administration dans les îles… pour le dire poliment.
Le malaise dans notre administration n’est pas récent. Il est dénoncé depuis au moins quatre ans par le syndicat de la fonction publique qui a largement médiatisé sur ce sujet. Avec le nouveau gouvernement, nous pouvions espérer plus de discernement dans le recrutement des FEDA et une réelle évaluation de leurs apports dans l’administration polynésienne. Quelle déception de constater que non seulement il n’en est rien, mais qu’en plus, on creuse une inégalité de traitement entre agents d’un même métier.
Difficile d’avoir envie de s’investir professionnellement quand on crée autant d’inégalités de traitement. Le pire c’est qu’après, ma hiérarchie viendra critiquer mon manque de dynamisme, d’initiative, comme celui de mes collègues qui partagent le même sentiment. Je serai sans doute critiqué pour me limiter au minimum dans mon quotidien. Ma direction ne se posera sans doute pas la question du « pourquoi ce changement de comportement » que je ne serai vraisemblablement pas le seul à adopter. A force de créer des inégalités, ne vous étonnez pas que le malaise enfle dans nos services et établissements.
Voilà, je suis un fonctionnaire comme il en existe sans doute bien d’autres confrontés à la même situation que moi. Comme eux vraisemblablement, je suis écœuré et j’avais besoin de l’exprimer.