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Madame la Directrice Générale des Ressources Humaines a donc annoncé récemment sa démission qui prendra effet le 8 février prochain.

Madame Marine NOGUIER abdique après plus de deux ans à la tête de ce service bien particulier. Ce départ doit tout de même nous interroger à plus d’un titre.

Pour quelles raisons ?

Les raisons profondes de ce départ ne sont connues que de l’intéressée. Par pudeur et respect nous ne l’avons pas interrogée.

L’inertie qui, parait-il, empêche toute réforme dans notre administration, semble avoir provoqué une grande lassitude chez ce cadre venu du privé et sans doute habitué à bien davantage de réactivité.

Dans les colonnes de Radio 1, on évoque le manque d’avancées sur le nouveau schéma directeur qu’elle avait élaboré. Tahiti Info évoque de son côté un besoin de se recentrer sur elle-même et sur ses valeurs, mais également plusieurs obstacles pour faire aboutir ses projets comme elle l’aurait souhaité.

Lorsque les avancées sont faibles pour une énorme quantité d’énergie investie, il est tout à fait compréhensible de souhaiter tout arrêter.

La DGRH, un service à part

La Direction Générale des Ressources Humaines est un service à part dans notre administration en raison de son rôle support.

Il s’agit sans aucun doute du service le plus sollicité, car bien des questions relatives aux agents ne trouvent leurs réponses qu’auprès des cadres et techniciens souvent très dévoués de ce service.

La DGRH était déjà sinistrée avant l’arrivée de Madame Marine NOGUIER. Les directions qui s’étaient jusqu’alors succédées n’avaient jamais été capables d’anticiper les évolutions technologiques nécessaires pour traiter un nombre croissant d’agents.

L’informatisation y est quasiment inexistante, non structurée, alors qu’elle devrait être particulièrement pointue et omniprésente. Lorsque l’on parle d’informatisation, il ne s’agit pas de quelques tableaux EXCEL, aussi sophistiqués soient-ils. Non, on parle d’une véritable architecture, d’une base de données et d’une application capable de suivre correctement et rapidement toutes les informations des agents de notre administration (arrêtés, notations, congés, etc…)

Reconnaissons aux agents de la DGRH une certaine virtuosité, car ils parviennent sans véritable outil à maintenir fonctionnelle une énorme usine à gaz.
Il y a bien quelques ratés, mais compte tenu de la masse d’information à gérer, accordons-leur notre plus profond respect.

Afin de mesurer le volume d’information à traiter, souvenons-nous qu’il y a environ 5 000 agents dans la fonction publique… cela représente potentiellement :

  • 5 000 notations chaque année ;
  • Une trentaine de Commissions Administratives Paritaires à organiser pour simplement gérer les avancements et les réductions d’ancienneté de ces quelques 5 000 agents ;
  • Si nous considérons une évolution tous les trois ans, alors ce sont environ 1 700 arrêtés qu’il faut rédiger chaque année.
  • Ces 5 000 agents partent en congés plusieurs fois par an et c’est à la DGRH que revient bien souvent le décompte des jours.
  • Etc…

Tout cela est sans compter les suivis réglementaires, les mutations, les contentieux, et les autres dossiers problématiques comme seule notre administration est capable d’en produire…

Pour cette montagne d’informations à gérer on trouve à peine une cinquantaine d’agents.
Dès lors, il n’y a pas plusieurs solutions pour dégager du temps de travail aux réformes : il faut informatiser tout ce qui peut l’être, et particulièrement toute la gestion documentaire qui entoure les situations individuelles de chacun des agents de notre administration.

Peut-être fallait-il en premier lieu s’attacher à ce défi qui est particulièrement ancien.

En 2013, j’avais humblement proposé au directeur des ressources humaines de l’époque de rejoindre son service pour m’attaquer à ce chantier. Il avait alors jugé que cela n’avait rien de prioritaire, et finalement jamais rien ne fut entrepris…

Cependant, les nécessités de réforme dans notre administration sont tellement étendues qu’il est bien difficile de définir ce qui est prioritaire.

Les agents sont-ils si réfractaires aux réformes ?

En dehors de quelques rares dinosaures, les agents de la fonction publique sont plutôt favorables aux réformes. En revanche, avec une naturelle prudence, ils aiment comprendre ce qui leur est proposé, le sens des réformes, et sollicitent logiquement les formations d’accompagnement nécessaires aux changements.

Il nous paraît donc difficile de penser que le blocage soulevé par la Directrice des Ressources Humaines puisse venir des agents eux-mêmes, sauf à imaginer un problème de présentation.

Madame Marine NOGUIER ayant montré de bonnes dispositions en matière de communication, cet écueil nous semble également peu probable.

Un blocage politique ?

Les contacts que notre syndicat entretient avec Madame Vannina CROLAS, Ministre en charge de la fonction publique, témoignent clairement d’une femme en recherche de réformes.

En revanche, cette dernière semble se montrer rationnelle dans ses démarches. Toute réforme paraît devoir s’appuyer sur une analyse, une vision globale, et un parcours bien dessiné. Nous restons pour le moment sur notre faim, et attendons patiemment une proposition de réforme (et non un toilettage).
Madame Marine NOGUIER a essentiellement travaillé sous la précédente majorité dont nous avons souligné à maintes reprises la profonde inertie. Peut-être est-ce d’abord à ce contexte que la directrice devrait imputer sa lassitude.

Si notre mémoire ne nous fait pas défaut, les représentants syndicaux qui siègent au Conseil Supérieur de la Fonction Publique ont eu l’occasion de découvrir assez rapidement après sa prise de fonctions, le projet de schéma directeur proposé par Madame Marine NOGUIER.

Pendant toutes ses années, Madame Christelle LEHARTEL alors ministre de tutelle de la DGRH, n’a visiblement jamais trouvé judicieux de faire adopter le projet de la cheffe de service qu’elle avait pourtant nommée.

Aujourd’hui, la nouvelle ministre en charge de la fonction publique se montre visiblement prudente avec ce qui fut élaboré sous l’ancienne majorité. Il ne faudrait cependant pas que cette prudence se transforme en inertie…

Cependant, il ne nous semble pas exister de « blocage de principe » aux réformes de la part de l’actuel ministre en charge de la fonction publique.

Que réforme-t-on dans l’administration ?

Dans l’administration, on réforme des textes, et c’est peut-être là que réside la plus grande difficulté.
Réformer des textes nécessite tout un parcours semé d’embuches et des étapes dans lesquelles on perd totalement la main sur le calendrier. Or le rythme politique est indépendant du rythme administratif.

Réformer, et non toiletter, c’est fixer un horizon, une ambition, la partager et y faire adhérer le plus grand nombre. Sur ce point, notre organisation syndicale ne se souvient pas s’être vu proposer le moindre cap, le moindre projet, depuis fort longtemps.

Si existait un vrai projet de « réforme » de la fonction publique élaboré par Madame Marine NOGUIER, celui-ci ne nous est pas connu… Pas plus d’ailleurs que celui de l’actuelle ministre.

L’ambition, le maître mot

Réformer c’est d’abord avoir de l’ambition et du courage. Voilà des années que notre centrale syndicale réclame une remise à plat complète du cadre réglementaire de notre administration, mais visiblement face à nous, cette envie de réforme ne semble pas partagée.

Du recrutement jusqu’à la retraite en passant par la mobilité, la formation, la notation, nous sommes en attente d’une révolution qui ne vient pas.

L’adoption d’un simple « schéma directeur » ne nous paraît pas nourrir une ambition. Si nous avions été destinataires d’un vrai projet, nul doute que nous aurions fait le forcing auprès de nos politiques pour enclencher un mouvement et le rendre inéluctable.

Proposer un nième « toilettage » n’est pas racoleur. Pour vendre un projet et le rendre intéressant, il faut qu’il soit provoquant dans le bon sens du terme. Il faut qu’il présente une rupture profonde avec le cadre archaïque dans lequel nous évoluons.

L’ancienne majorité avait abondamment communiqué sur son projet de « modernisation de l’administration ». Le problème c’est qu’elle avait oublié les principaux intéressés, à savoir les agents de la fonction publique et leurs représentants. Verdict, trois ans après des annonces fracassantes, quasiment pas de changement.

Pour réformer (et non toiletter), il faut se poser des questions de fond, presque philosophiques.

  • Jusqu’où pousser le recours à la dématérialisation dans une société où la fracture numérique est importante ?
  • Doit-on faire davantage de place à la flexibilité du travail pour réduire les coûts ?
  • Comment notre administration peut-elle gagner en flexibilité et réactivité sans trop se défaire d’un cadre réglementaire qui la sécurise et prévient normalement toute partialité ?
  • Comment accompagner des agents à quitter des métiers qui sont voués à disparaître pour leur maintenir une place dans notre administration ?
  • Quel prix sommes-nous disposés à payer pour réduire les inégalités qui se sont répandues dans notre administration et souhaite-t-on simplement les réduire ?
  • Etc…

Si, au bout de deux ans et demi, Madame Marine NOGUIER s’est lassée de ne pas voir adopté son « schéma directeur », quelle peut être la lassitude de bien des agents et des organisations syndicales de ne pas voir poindre la moindre réforme ambitieuse depuis 30 ans ? Et pourtant ce n’est pas faute d’avoir fait de nombreuses propositions tout au long de ces années.

Malgré cette frustration, nous poursuivons bénévolement notre démarche, nos communications, pour que murisse enfin l’idée qu’il n’existe aucune échappatoire à une véritable réforme en profondeur de notre administration. Nous n’abdiquons pas…

Qui pour la remplacer ?

Comme le dit l’adage, « on sait ce que l’on perd mais on ne sait pas ce que l’on gagne ! ». Madame Marine NOGUIER a su afficher un comportement conciliant et s’est toujours montrée ouverte dans le dialogue. La communication était d’ailleurs sans nulle doute son point fort. Nous espérons donc retrouver à minima ces qualités chez son successeur. Souhaitons maintenant une bonne continuation à Madame Marine NOGUIER.

Cependant, la communication ne peut se substituer au fond… Même si les réformes sont l’apanage du politique, la personne aux commandes de la direction générale des ressources humaines occupe un rôle central.

Elle doit être le maillon qui entend les représentants des agents publics, comprend leurs revendications et les traduit en projets de réformes auprès de sa tutelle. Nous espérons donc trouver sur ce poste une personne avec une véritable vision de la fonction publique et mieux encore, une perspective à partager sur les 10 prochaines années.

Nous vous rappelons que nous sommes à votre disposition pour tout problème que vous pourriez rencontrer, que vous soyez affilié(e) ou non à notre centrale.