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Notre administration accorde à certains agents des indemnités et/ou d’autres primes en fonction du service dans lequel ils sont affectés et parfois du métier qu’ils exercent.
Le problème c’est que dans certains cas existent des critères assez objectifs d’attribution, tandis que dans la majorité des situations « l’emplacementcratie » est la règle.
Face aux inégalités patentes que génèrent ces primes et indemnités au sein de la fonction publique, l’administration et le gouvernement semblent s’emparer de leur réforme.
Petit aperçu du problème…

Que sont ces primes et indemnités ?

Par différentes délibérations, le gouvernement a mis en place un régime indemnitaire au sein de la fonction publique. Puis par arrêtés d’application, il en a fixé les règles d’attributions.
Ces indemnités sont supposées compenser des conditions de travail « particulières ». Cependant, dans bien des situations, il apparaît difficile de comprendre ce qu’il y a de si « particulier ».
De manière plus schématique, ces indemnités sont dans la plupart des cas rattachées à un service. Elles sont alors indépendantes du métier exercé. Un agent placé dans un service à indemnités et/ou primes en perçoit. Le même agent réalisant le même métier et accomplissant les mêmes fonctions dans un service sans prime et/ou indemnité n’en perçoit pas.
Pour exemple, un ingénieur informatique et un gestionnaire de réseau percevront une indemnité s’ils sont rattachés à la Direction du Système Informatique du Pays. Les mêmes personnes dans un autre service réalisant exactement le même métier n’en percevront pas.
La technicité importe peu puisque des agents administratifs de la Direction des Affaires Foncières (DAF), de la Direction du Budget et des Finances (DBF) ou de la Direction des Impôts et des Contribution Publiques (DICP) perçoivent des primes et/ou indemnités, alors que des agents administratifs dans d’autres services du Pays réalisant des tâches équivalentes n’en perçoivent pas.
Ces indemnités ne sont d’ailleurs en aucun cas liées à une quelconque responsabilité puisque dans certains services elles sont attribuées indistinctement des plus hauts niveaux hiérarchiques jusqu’aux agents d’entretien, plantons, etc…
Il se peut que ce système fut mis en place avec une arrière-pensée légèrement dissimulée. En effet, dans la plupart des cas, ces avantages ont été accordés à des services ayant un pouvoir paralysant sur le fonctionnement de notre administration, voire du Pays. Dès lors, ces avantages n’auraient-ils pas été accordés pour éviter tout mouvement social paralysant ? La question reste en suspens. Cependant, si telle était la stratégie, elle a plutôt bien fonctionné puisque depuis l’instauration de ces avantages, aucun de ces services n’a connu la moindre difficulté…

Plus l’on gagne… plus l’on touche

Certaines indemnités sont forfaitaires. Elles sont donc indépendantes du niveau indiciaire. C’est le cas par exemple des Indemnités de Sujétion Spéciales.
D’autres indemnités sont proportionnelles au niveau indemnitaire des agents. Ainsi, plus l’on bénéficie d’un niveau indiciaire élevé, plus les primes et/ou indemnités que l’on perçoit sont importantes également.
C’est ainsi que dans certains services, ces primes et/ou indemnités peuvent finir par représenter une part très substantielle de la rémunération des agents (de 8 % à 30 %).

Des agents conscients de leurs privilèges

C’est une évidence, le système est inégalitaire. Les agents qui en bénéficient en sont d’ailleurs parfaitement conscients.
En septembre 2011, les finances du Pays se sont retrouvées particulièrement exsangues et le gouvernement a cherché toutes les sources d’économies possibles. La remise en question du régime indemnitaire est lors apparu comme l’une des solutions.
Bien des agents ont serré les fesses de peur que leur situation ne soit remise en cause. Quand finalement par délibération 2011-66 APF du 22 septembre 2011 le gouvernement a simplement prononcé un abattement de 10 % sur les indemnités, personne n’a jugé bon de se plaindre et la mesure a été accueillies avec un « ouf ! » de soulagement. Tous ceux qui bénéficiaient des primes et indemnités furent soulagés que la réforme n’aille pas plus loin. Le silence de tous ces agents au moment de cette réforme témoigne de leur conscience d’être privilégiés.

Des effets pervers au-delà des inégalités

Au-delà des inégalités et des rancœurs qu’il provoque, ce système à des effets pervers sur le fonctionnement même de notre administration.
Tout agent rationnel cherchera logiquement à maximiser son confort de travail, et donc ses revenus. C’est la raison pour laquelle la mobilité se fait essentiellement des services sans primes et/ou indemnités vers les services avec primes et/ou indemnités. Et une fois que le graal est atteint, il est particulièrement rare de voir un agent abandonner la poule aux œufs d’or.
Il résulte de cela que le système de mobilité dans notre administration se grippe, se restreint. Il faut attendre des départs en retraite ou d’hypothétiques créations de postes pour envisager rejoindre ces services.
Inversement, les personnes qui sont sur ces postes ne les quittent quasiment jamais et y font carrière… Cela est contraire à la philosophie de mouvement normalement souhaitée dans notre administration.

Réformer, un exercice difficile

Le gouvernement semble vouloir s’attaquer à la réforme du système en insufflant de la rationalité dans le système d’attribution des primes et/ou indemnités. Ainsi, l’objectif est d’y faire apparaitre des critères objectifs d’attribution et non plus le seul fait d’être au bon endroit, ce que nous avons qualifié « d’emplacementratie ».
Le gouvernement semble donc chercher à redonner de la cohérence et de la valeur à ces incitations financières. Comme évoqué précédemment, celle-ci sont supposées compenser la pénibilité de certaines tâches et/ou les risques pris par certains agents.
Même si nous n’avons aujourd’hui aucune vision de la réforme souhaitée, rationnellement ces avantages devraient également récompenser des prises de responsabilités dans les hiérarchies intermédiaires ainsi que des niveaux de technicité particuliers.
En procédant de la sorte, le système tendrait davantage vers la « méritocratie » qui semble transparaître dans les discours auxquels nous sommes confrontés. De manière laconique, un agent qui fait simplement son travail serait rémunéré selon sa grille… et un agent qui s’investirait davantage entreverrait la possibilité d’une reconnaissance financière.
Rappelons que les textes prévoient déjà l’ajustement régulier (à la hausse comme à la baisse) des primes et/ou indemnités, mais à notre connaissance, ces ajustements n’ont pas encore eu lieu à grande échelle.
Si l’on raisonne sur le mode de la « rationalité », certaines primes ou indemnités devraient être proportionnelles à la rémunération de base des agents alors que d’autres non. Plus on est placé haut dans la hiérarchie, plus on encadre, et plus le temps de travail lié à l’encadrement et à la prise de décision devrait logiquement s’accroître. Les primes ou indemnités qui pourraient en découler devraient donc être proportionnelles à la rémunération de base.
En revanche, la technicité qui pourrait potentiellement être récompensée n’a pas lieu d’être dépendante de la rémunération de base. La prime ou indemnité liée à l’expertise pourrait être un coefficient du point d’indice. Plus le degré d’expertise est élevé et plus le coefficient le serait également.
La technicité est soit le fruit d’une rareté de formation, soit d’un niveau particulier de formation, soit de compétences particulières acquises par l’expérience. Récompenser la technicité, c’est inciter les agents à se former, même après leur intégration. L’administration y gagnerait alors des cadres de plus haut niveau. Parallèlement, cela pourrait pousser les étudiants à aller plus loin dans leurs études avec la perspective d’une rémunération croissante selon le niveau atteint.
Lorsqu’il s’agit de la pénibilité ou du risque, le référentiel des métiers devrait contribuer à définir une hiérarchie. Cette hiérarchisation devrait permettre de fixer des primes ou indemnités selon le métier exercé. Là encore, il n’y a pas lieu d’établir une règle de proportionnalité entre la rémunération de base et la bonification. Que l’on soit cadre ou non, le risque est le même. La bonification doit sans aucun doute être fixe et simplement proportionnelle au point d’indice.

Des situations bloquantes

Bien des agents bénéficiant de primes et/ou indemnités se sont endettés sur la base d’une rémunération amplifiée par ces avantages.
Supprimer ces primes et/ou indemnités brutalement, reviendrait parfois à condamner ces personnes à dépasser les taux d’endettement réglementaires.
Plus les revenus sont relativement modestes et plus cette problématique est sensible. Nous pensons ainsi particulièrement aux cadres B, C et D qui perçoivent ces primes et/ou indemnités et pour lesquels ces avantages ont permis un train de vie qu’ils n’auraient jamais atteint autrement.
Il y a donc une envergure sociale à la réforme qu’il ne faut surtout pas occulter. Malheureusement, il n’est pas possible de faire gonfler le budget du Pays indéfiniment.
La réforme, si elle aboutit, se fera sans aucun doute à budget constant avec un redéploiement de l’enveloppe actuelle des primes et/ou indemnités.

Court terme… long terme

A long terme, chacun admettra, s’il est de bonne fois, qu’il est préférable de jouir d’un système plus équitable et plus moral. Plus les critères seront objectifs et difficilement contestables, plus le système sera pérenne.
Cependant, pour atteindre les objectifs de long terme, il faut d’abord passer par le court terme et le moyen terme.
Deux options s’offrent au gouvernement :

  • Une approche radicale qui consiste à bouleverser le système du jour au lendemain avec les difficultés sociales que cela pourrait engendrer ;
  • Une approche plus douce avec une phase de transition sur 3 à 5 ans pour permettre à chacun de s’habituer à ces nouvelles conditions… c’est-à-dire avec une baisse de revenus qui pourrait atteindre dans certains cas près de 30%…

Position syndicale

Nous comprenons la volonté du gouvernement de s’attaquer à ce sujet devenu une chimère depuis de nombreuses années.
Quelle que soit la centrale, il parait difficile de faire obstacle syndicalement à la mise en place d’un système reposant sur des critères plus objectifs et rationnels… sauf à faire preuve d’une mauvaise fois patente.
En revanche, le volet social de la réforme est un point de vigilance afin que la réforme n’entraine pas de véritables drames au seins de familles entières qui vivent parfois sur la rémunération d’une seule personne.

Nous vous rappelons que nous sommes à votre disposition pour tout problème que vous pourriez rencontrer, que vous soyez affilié(e) ou non à notre centrale.