Ce mois de juillet 2022 aura été marqué par des échanges relativement houleux entre les organisations syndicales représentatives dans la fonction publique et le gouvernement. Les propos des uns et des autres ont été relativement médiatisés et ils confirment la très grande difficulté de communication qui existe avec le gouvernement actuel. Depuis des mois nous nous étions faits l’écho de cette problématique. Dès lors que les autres centrales syndicales y sont aujourd’hui confrontées, la situation prend une toute autre dimension.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
En février 2022, le gouvernement demandait aux représentations syndicales de la fonction publique de ratifier le moratoire sur les congés administratifs pour les Agents Non Fonctionnaires de l’Administration (ANFA). Lors de cette rencontre, les syndicats avaient parlé d’une voix relativement unanime pour s’alarmer de la disparition du dialogue social. Nous avions en outre exigé qu’un travail de fond sur la convention collective des ANFA soit véritablement mené, comme cela était réclamé vainement depuis des années.
Lorsque le ministre des finances nous avait demandé cette ratification « par souci d’équité avec les fonctionnaires territoriaux », nous lui avions rappelé que cette équité était toute relative, puisque les FEDA continuaient eux de bénéficier du dispositif des congés administratifs.
En échange d’une prolongation de six mois de ce moratoire, le gouvernement avait consenti à mener des réunions de travail pour parvenir à un accord sur cette convention collective.
L’implication forte de la direction générale des ressources humaines (DGRH) a ainsi permis d’organiser plusieurs réunions au cours desquelles les syndicats ont légitimement fait valoir leurs points de revendications. Rien d’extravagant, juste des éléments de bon sens.
Au-delà de certains aspects plutôt techniques, les organisations syndicales ont notamment revendiqué deux points importants pour la carrière des ANFA :
- L’établissement de nouveaux échelons pour permettre l’évolutions des carrières des agents arrivés au plafond ;
- La possibilité pour les ANFA d’opter de manière régulière pour une intégration dans la fonction publique, comme cela leur avait été proposé en 1996.
La veille de l’expiration du délai imparti, le gouvernement présentait son projet de convention collective, projet dans lequel les syndicats ne retrouvaient absolument pas les points essentiels de leurs revendications.
A 95 %, la nouvelle mouture de la convention est un ajustement sur le code du travail (qui de fait s’applique déjà). Quant aux autres avancées, toutes portées par les syndicats, elles étaient relativement minimes par rapport à nos revendications essentielles.
Un oubli ? Non, absolument pas. Un pur choix politique de rejeter ce que nous proposions. Six mois d’échanges techniques fructueux avec la DGRH balayés par le mépris politique. Nous avons donc légitimement fait valoir notre mécontentement de voir écartées les avancées importantes et rationnelles que nous sollicitions.
Lors de cette réunion, sur un ton très autoritaire, madame la directrice de cabinet du ministre des finances nous a alors expliqué que nos avis comptaient finalement peu, et que de toutes façons, la convention serait adoptée, telle qu’elle nous était présentée.
Cette personne demeurée près de 20 ans Fonctionnaire d’Etat Détachée dans notre Administration (FEDA) oubliait une chose… c’est que pour être validée et applicable, cette convention doit être ratifiée par les syndicats.
Quant aux points essentiels, on nous laissait entendre qu’ils seraient peut-être abordés après la ratification de la convention collective.
Mépris et condescendance
Il est intéressant de noter que madame la ministre de la fonction publique qui était présente à cette réunion n’a quasiment pas pris la parole. C’est elle qui avait pourtant l’autorité et la légitimité pour s’exprimer. Cependant, c’est une ancienne fonctionnaire d’Etat aujourd’hui à la retraite… mais directrice de cabinet, qui est venue tenter d’imposer sa « vision » du dialogue social. Pire, sans aucun doute le faisait elle avec le soutien plein et entier de son ministre.
Les représentants syndicaux, unanimement choqués, ont alors adressé une lettre ouverte au Président du Pays. Il s’agissait d’abord de lui faire part de notre mécontentement vis-à-vis du mépris du gouvernement à l’égard des avancées que nous souhaitions. Dans cette lettre ouverte nous abordions également la condescendance avec laquelle nous étions traités par une personne qui ne pouvait revendiquer aucune autre légitimité que celle octroyée par son ministre de tutelle.
La réponse du Président, publiée dans les médias et largement diffusée dans la fonction publique, se révèle des plus outrageantes. Le chef suprême de l’administration y confirme son mépris pour les représentants syndicaux élus et le travail qu’ils ont accompli. Il y affirme également son soutien à cette ancienne fonctionnaire d’état qui a tout simplement craché à la figure des agents publics, par représentants interposés.
Il indique dans sa réponse ne pas comprendre l’obsession des syndicats, et plus particulièrement du nôtre, vis-à-vis des FEDA. En effet, notre syndicat a été le premier et le plus virulent pour condamner la politique du tapis rouge menée par le gouvernement pour faciliter l’intégration des fonctionnaires d’Etat dans notre administration.
Le Président précise dans sa réponse que les FEDA ne représentent que 0,52 % des effectifs et qu’il n’y a donc pas lieu de faire des histoires pour si peu.
Principes et cohérence
Peut-être est-il bon de rappeler au Président que lorsque l’on met une goute de citron dans une grande qualité de lait, celui-ci commence à fabriquer des grumeaux. La proportions évoquée par le Président est donc un leurre.
Notre syndicat est attaché à des principes. Paradoxalement, comme la majorité actuelle, nous prônons la préférence locale. Là où nos chemins se séparent, c’est que par cohérence, nous exigeons que celle-ci soit appliquée.
En 2009, les membres de la majorité actuelle avaient commandé auprès de l’Etat une analyse sur les marges de manœuvre de la Polynésie française pour son développement. De cette commande est sorti le fameux rapport BOLLIET.
Cette femme très indépendante d’esprit s’était alors interrogée sur les FEDA, décrivant dans son rapport leur inutilité, puisque la Polynésie française se dotait au fil du temps d’un nombre croissant de diplômés de haut niveau…
Notre militantisme contre la politique actuelle d’intégration sans concours des FEDA dans notre administration, est donc soutenu par les hauts fonctionnaires d’Etat ! Nous restons donc fidèles à des principes et cohérents dans notre approche.
Lorsque une ancienne FEDA, ayant largement abusé du système avec la très grande complicité de la majorité actuelle, vient dicter ses principes à des représentants élus… la coupe est pleine !
Le syndrome du donjon
Dans notre lettre mensuelle de juin 2022, nous abordions déjà le syndrome du donjon.
Le gouvernement actuel est enfermé dans son donjon et considère tous ceux qui le critiquent comme des ennemis, des imbéciles, qui ne comprennent rien à son action « parfaite ».
C’est la raison pour laquelle il considère avec le plus grand mépris les élus que nous sommes. Au-delà du mépris, il y a la condescendance des discours. Si le Président soutient une ex FEDA venue cracher tout son autoritarisme à la figure des représentants syndicaux élus, il y a quelque chose qui ne fonctionne plus.
L’impossibilité du dialogue social n’a jamais été de la responsabilité des organisations syndicales ! Elle est entièrement de la responsabilité du gouvernement.
Sans vouloir faire de politique, mais en analysant simplement froidement les chiffres, les dernières élections législatives auraient dû amener la majorité actuelle vers davantage de précaution. Le fait que les trois candidats de la majorité actuelle aient été battus, témoigne d’un ressenti particulièrement fort dans la population qui n’est pas bien différent de celui des organisations syndicales.
Il est donc fort surprenant qu’après une telle défaite électorale, le Président du gouvernement n’ait pas cherché à davantage tendre l’oreille à ceux qui essayent de lui parler avec franchise. Il est même profondément désastreux qu’il soutienne et cautionne des attitudes rejetées dans les urnes !
L’entrave à l’exercice du droit syndical
Le gouvernement actuel fait tout pour empêcher les syndicats de fonctionner normalement, et comme par hasard, plus particulièrement le nôtre !
A la suite des dernières élections aux comités techniques paritaires, le gouvernement a illégalement réduit les quotas d’heures de décharge syndicale. Nous avons porté l’affaire au tribunal administratif et gagné en référé… l’affaire sera prochainement jugée au fond.
Le gouvernement refuse la décharge d’activité du secrétaire général de notre syndicat et l’affaire est aujourd’hui entre les mains du tribunal administratif. Il nous a fallu agir au tribunal pour obtenir la nomination de nos représentants au sein du Conseil Supérieur de la Fonction Publique.
Le gouvernement actuel a visiblement du mal à se souvenir que le droit syndical est un droit constitutionnel, car le législateur a considéré que la défense des salariés étaient un droit fondamental. Pour la fonction publique territoriale, nous entendons bien défendre vos droits par tous les moyens dont nous disposons et ne rien concéder aux abus du gouvernement.
Pour l’heure, amis ANFA, n’oubliez pas de déposer votre demande de congé administratif puisque nous n’avons pas ratifié la prolongation du moratoire.
Nous profitons de cette lettre mensuelle pour vous informer que le Syndicat de la Fonction Publique dispose désormais d’un point contact au CHPF. En cas de soucis ou de demandes d’informations sur votre situation, vous pouvez prendre l’attache de Madame Christine GREBOT (christine.grebot@cht.pf)
Nous vous rappelons que nous sommes à votre disposition pour tout problème que vous pourriez rencontrer, que vous soyez affilié(e) ou non à notre centrale. Bien évidemment, nous accordons la priorité à nos adhérents.