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Le cas de Matani KAINUKU a particulièrement défrayé la chronique ses derniers jours. Mais pour ceux qui s’intéressent à sa situation, l’affaire est loin d’être récente. Voilà un certain temps que l’inspecteur de l’éducation, aujourd’hui titularisé, réclame un poste au Fenua. Malheureusement, il s’est vu opposé une fin de non-recevoir par Madame la Ministre en charge de l’éducation et de la fonction publique.
Au-delà de la problématique personnelle de l’homme de culture, cet état de fait est symptomatique de la difficile mise en pratique de la priorité à l’emploi local par la majorité actuelle.

Les textes avant tout

Pour justifier son refus, Madame la Ministre en charge de l’éducation et de la fonction publique évoque « l’usage » de deux années de travail en métropole avant de pouvoir revenir au Fenua.
Ce qui est affligeant dans cette réponse, c’est le fait de ne pas se référer aux textes de loi pour arbitrer une décision. Or, et c’est bien là le plus absurde dans toute cette histoire, il n’existe à notre connaissance aucun texte de loi imposant deux années en métropole avant de pouvoir prétendre à un retour en Polynésie française.
Madame la Ministre avait donc légalement toute possibilité pour prononcer un retour à Tahiti une fois l’intéressé titularisé, et achevée sa période de stage. Lui fermer la porte est donc un pur choix politique.
Si Madame la Ministre en charge de la fonction publique était si attachée aux usages, notre syndicat pourrait lui rappeler qu’il est d’usage que les secrétaires généraux des syndicats représentatifs soient déchargés d’activité… ce qu’elle a refusé au nôtre. Comme quoi les usages ont bon dos pour camoufler des choix idéologiques et politiques.

Un passé à géométrie variable

Notre syndicat dispose d’une certaine mémoire et nous nous souvenons d’un inspecteur d’académie natif du Pays, qui il y a une dizaine d’années, eut la chance d’obtenir sans aucune difficulté et sans délai, un poste au Fenua, alors qu’il était inspecteur stagiaire… et c’est tant mieux.
Il y a 2 ou 3 ans de cela, un résident issu du concours interne de catégorie A des personnels d’administration de l’éducation nationale, n’eut pas besoin de passer par la case métropole pendant deux ans pour exercer son activité en Polynésie française. Il fut maintenu en poste localement et n’eut jamais à s’exiler… et c’est tant mieux.
Autre ministre, autre approche… Ce qui vient confirmer que tout cela n’est que pure choix politique.
Il est paradoxal que le gouvernement se soit insurgé pour une greffière métropolitaine mutée au Fenua, au nom de la protection de l’emploi local, et qu’en parallèle il fasse obstruction au retour de ses cadres les plus brillants. Ne nage-t-on pas dans l’absurde ?

Des emplois locaux obtenus au tribunal

Il n’y a pas deux ans de cela, des personnes occupant des postes dans l’enseignement ont attaqué l’Etat pour obtenir une titularisation dans l’éducation. Ces natifs et résidents de Polynésie française avaient accepté ce que bien des expatriés refusent, à savoir, travailler dans des zones éloignées et isolées.
Après souvent plusieurs années de bons et loyaux services auprès de nos populations en qualité d’agents de l’Etat mis à disposition du Pays, ils réclamaient simplement d’être reconnus dans leur fonction. L’Etat leur refusant toute possibilité d’intégration, ils ont été une vingtaine à porter l’affaire devant le tribunal et ont finalement eu gain de cause.
Mais ce qu’il faut retenir de cette histoire, ce n’est pas leur victoire, mais l’opposition farouche du vice-rectorat actuel de les voir titularisés ! Et pire encore, lorsque l’Etat a fait appel de la décision du tribunal, il a demandé au gouvernement polynésien d’intervenir à ses côtés pour obtenir l’annulation du passage en CDI des intéressés. Et le gouvernement a suivi…
Pour tenter de convaincre le tribunal, le gouvernement, par l’intermédiaire de ses juristes, est allé jusqu’à soutenir l’idée que leur titularisation affaiblirait le niveau d’enseignement car ces personnes n’étaient soi-disant pas assez compétentes !
Le gouvernement les avait donc jugé suffisamment compétentes pendant des mois voire des années en leur permettant d’enseigner ou de servir dans les services techniques de la DGEE, mais au moment où celles-ci réclamaient une titularisation bien légitime, ce même gouvernement les considérait comme incompétentes.
Comment est-il possible de défendre médiatiquement la promotion de l’emploi local, et se battre contre cette doctrine lorsque la possibilité de sa mise en application se présente ?
Que ces personnes n’aient pas reçu la même formation que des enseignants normaux, certainement. Cela se compense au fil du temps par le biais de formations spécifiques. Si ces personnes sont capables d’enseigner, elles sont capables d’apprendre. Elles ont en plus le mérite d’avoir accepté d’aller travailler là où peu de gens le souhaite.
Doit-on rappeler cette déclaration de Madame la Ministre de l’éducation du gouvernement actuel concernant les lauréats en 2020 : « je n’ai pas de poste pour eux. » Suite à l’intervention des syndicats elle était rapidement revenue sur cette déclaration et les lauréats avaient pu être intégrés. Il s’en était fallu de peu ! Comme quoi, l’impossibilité est souvent un choix purement politique et idéologique.

Un constat amer

Quarante ans après le transfert de compétences de l’enseignement du second degré au Pays, à peine la moitié des effectifs est composée de résidents. Dans le secteur privé sous contrat d’association avec l’Etat, on avoisine oscille entre 90 % et 100 %.
Sur la même période, dans la Santé Publique, quasiment tous les fonctionnaires d’Etat ont été remplacés par des fonctionnaires territoriaux.

Nomination avortée à l’Agence de Développement Economique
Le directeur de l’Agence de développement économique a été débarqué le lendemain de sa nomination en conseil des ministres. Il aurait intentionnellement dissimulé l’enquête administrative dont il faisait l’objet. Monsieur Stéphane DURAND ne sera donc vraisemblablement pas le prochain directeur de cette agence.
Au-delà du ridicule de la situation, il y a comme une obstination du gouvernement actuel dans ces nominations d’expatriés à des postes stratégiques pour le devenir de la Polynésie française.
Le développement économique de notre Pays ne peut s’entrevoir comme en métropole car les références socio-culturelles ne sont pas les mêmes. Pour que des mécanismes fonctionnent, pour qu’ils soient acceptés par les populations, ils doivent faire vibrer des références. Or dans un Pays aussi marqué que la Polynésie française, ces références sont essentiellement sociales, culturelles, et historiques.
Monsieur Stéphane DURAND, du haut de ses quatre années passées en Polynésie française, n’étaient sans doute pas le meilleur profil… mais peut-être le plus docile.
Ce n’est pas le meilleur économiste qui est attendu sur un poste aussi important, mais quelqu’un capable de faire le lien entre l’activité économique et la réalité socio-culturelle de la Polynésie française. Quelqu’un capable de tropicaliser des concepts et non de faire des copier-coller métropolitains.

De la cohérence !

Si au cours des derniers mois notre syndicat paraît redondant dans ses propos, c’est que la cohérence manque cruellement. Les actes qui devraient cimenter les principes idéologiques ne sont pas au rendez-vous. Et cela est particulièrement vrai pour la priorité à l’emploi local. Pire, les actes contredisent presque systématiquement les beaux discours.
Alors de grâce, « Priorité à l’emploi local » ne doit pas être un simple slogan marketing ! Les cadres locaux ont non seulement doit à une reconnaissance pour les efforts qu’ils ont accomplis pour se former, mais ils ont aussi le droit de tenter leur chance pour le devenir de leur Pays.
Répétons-le, ils ont le droit de commettre des erreurs. Personne ne leur en voudra dès lors qu’ils auront tenté quelque chose. Seules les erreurs permettent d’avancer et d’améliorer.

Nous vous rappelons que nous sommes à votre disposition pour tout problème que vous pourriez rencontrer, que vous soyez affilié(e) ou non à notre centrale. Bien évidemment, nous accordons la priorité à nos adhérents.