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Le gouvernement élabore actuellement différents projets de textes qui concernent directement les agents de la fonction publique. Trois ont particulièrement retenu notre attention : un projet de loi sur le télétravail et deux délibérations relativement liées concernant le personnel médical et la rémunération des heures supplémentaires.

Télétravail : zéro ambition

Le gouvernement avait annoncé ce projet de loi il y a plus d’un an et nous avons eu récemment accès à sa première mouture. Il ressort de sa lecture que l’on se demande si le gouvernement souhaite véritablement que cette organisation du travail se développe au Fenua, ou s’il souhaite au contraire que le dispositif existe… pour ne jamais être véritablement appliqué.

Comme nous l’avions écrit dans la lettre mensuelle d’août 2021, le télétravail marque un tournant dans de nombreux pays où, entreprises comme gouvernements, ont compris tous les avantages de ce dispositif.

Le télétravail bouleverse dans le bon sens les déplacements domicile-travail, il permet aux personnes de s’éloigner des centres-villes et de faire ainsi baisser la pression immobilière là où elle est forte. Contrairement aux idées reçues portées par ses contradicteurs, le télétravail ne fait pas baisser la productivité, bien au contraire. Il réduit les interactions inutiles, évite les gaspillages habituels de papier, réduit les besoins d’espace, et surtout, il favorise la rationalisation du temps disponible des salariés. Par conséquent, de notre point de vue, lorsqu’un gouvernement décide de légiférer sur le sujet, nous sommes en droit d’attendre que les textes soient porteurs d’un véritable enjeu de société, d’une ambition.

Légiférer l’urgence plutôt qu’un projet de société

Sauf mauvaise information de notre part, les textes relatifs au télétravail ne concernent que la fonction publique. Le télétravail ne pourrait-il donc être pensé et réglementé en dehors de la sphère publique ? Ce sont pourtant bien les entreprises privées qui ont majoritairement profité du dispositif et le maintiennent encore dans bien des pays malgré le recul de la pandémie.

Même restreint à la fonction publique, le projet de loi du gouvernement ne paraît absolument pas incitatif au développement du télétravail. Bien au contraire. Il donne la sensation d’un dispositif créé pour répondre en priorité aux situations d’urgence. Le texte donne par ailleurs la sensation d’un simple coup de Com’. En situation d’urgence, les textes de lois n’ont que peu d’utilité. Lors des confinements, le travail à distance, dont le télétravail, s’est imposé de lui-même pour empêcher toute rupture du service public. L’absence de toute réglementation n’avait alors posé aucun problème particulier.

Pourquoi parler de coup de Com’ ?

Car ce texte de loi permet au gouvernement de « communiquer » sur le fait que le télétravail existe désormais en Polynésie française… comme dans bien des économies modernes. Pourtant, les clauses qui permettent de le refuser aux agents sont si nombreuses et si simples à affirmer, que tout chef de service pourra s’en emparer.

Le télétravail est donc effectivement prévu, mais avec tous les éléments qui permettent de le refuser facilement. Il est par ailleurs prévu au compte goûtes, puisqu’il ne pourra excéder trois jours par semaines. Ainsi par exemple, la notion de « sécurité informatique » dont la définition reste floue et variable d’un chef de service à un autre, peut-elle être invoquée pour refuser le dispositif à un agent.

devront mécaniquement et statutairement être réévalués dans les mêmes proportions qu’en métropole…

Rééquilibrer le texte

Notre syndicat a défendu l’idée que lorsque les déplacements domicile-travail excédaient une heure, tout devait être mis en œuvre pour favoriser le télétravail.

Nous avons exigé que les échanges de fichiers par mail ne soient pas considérés comme une menace à la sécurité informatique, clause permettant aujourd’hui de refuser le télétravail à un agent. Chacun sait en effet que les fichiers informatiques s’échangent par mail tous les jours, même en dehors du télétravail, sans que cela pose un quelconque problème. Alors pourquoi la menace serait-elle plus grande dans le cadre du télétravail ? Nous avons rappelé que le télétravail s’exécute bien souvent sous la forme d’une connexion sécurisée à distance sur un serveur informatique du Pays. Il n’y a donc pas lieu d’évoquer des problématiques de sécurité informatique pour refuser la possibilité du télétravail.

Un rendez-vous raté

Ainsi, comme il est possible de le constater, le Pays a déjà tout anticipé pour simplifier le refus du télétravail aux agents qui le solliciteraient. En revanche, il n’a prévu aucune clause qui imposerait de l’envisager sérieusement.

En limitant le télétravail à trois jours maximum par semaine, le Pays n’en fait pas un véritable projet de société. Nous risquons par ailleurs d’assister à des comportements pernicieux de la part de certains chefs de service qui proposeront « magnanimement » le télétravail les mardi et jeudi plutôt que les lundi, mercredi et vendredi (dans le premier cas, cela signifie pour l’agent trois déplacements par semaine, dans le second, un seul). Pour notre syndicat, le texte de loi en gestation demeure pour le moment un rendez-vous manqué avec la modernité.

ISS : rectifier l’ineptie de la modification de 2021

En janvier 2021 la délibération n° 2021-19 APF, était venue consacrer le principe du non cumul des indemnités de sujétions spéciales (ISS) avec la rémunération des heures supplémentaires. Après le « travailler plus pour gagner plus », le gouvernement inventait ainsi le « travailler plus pour gagner tout autant ». Cette mesure visait spécifiquement le personnel de santé auquel des heures supplémentaires sont régulièrement demandées dans le cadre des gardes et astreintes.

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Des effets annoncés et prévisibles

Ce texte avait été adopté sans véritable concertation et ses effets ont été désastreux. Aucune économie chiffrée n’avait été visée par cette délibération supposée rationnaliser la dépense publique. Mieux encore, aucune économie n’a été finalement réalisée puisque que pour garantir la continuité du service public, le CHPF a dû se contraindre à rémunérer ces heures supplémentaires en complément des ISS.

Le gouvernement fut donc rapidement confronté aux conséquences de son ineptie. Les demandes de mutation n’ont pas tardé, car quitte à simplement maintenir son salaire, autant ne pas se voir imposer des heures supplémentaires. La direction de l’hôpital s’est retrouvée dans des situations fort embarrassantes dans la gestion quotidienne du personnel qui ne voyait plus aucun intérêt à effectuer des heures supplémentaires. Il aura fallu mettre en place des stratagèmes pour contourner cette disposition et maintenir l’offre de soin au sein de l’hôpital… en rémunérant pour cela, comme il se doit, les heures supplémentaires.

Marche arrière toute !

Aujourd’hui le gouvernement souhaite aménager sa propre règle pour permettre le cumul des ISS et des heures supplémentaires. Pour cela, il autorise le cumul des deux incitations financières (ISS et heures supplémentaires) dans le cadre du régime des astreintes effectuées par les agents des établissements hospitaliers et par les mêmes agents travaillant en tableau de service. Cet assouplissement est destiné à préserver la continuité du service public dans les structures de soin et plus particulièrement au CHPF. En quelques sortes, beaucoup de tralala pour un retour à la case départ.

La gestion des astreintes au sein de l’hôpital

Le texte actuel prévoit que le plafonnement des gardes et astreintes peut être modulée par le directeur de l’établissement après avis de la commission médicale d’établissement. Dans le nouveau projet de texte, plus besoin d’avis de ladite commission. Le directeur pourra décider seul, librement.

L’ancien texte prévoyait que les dépassements de plafond par périodes maximales d’un an, n’étaient possibles que sur demande du directeur, après avis de la commission médicale d’établissement et délibération du conseil d’administration. Demain, plus besoin de délibération du conseil d’administration.

Ces choix sont officiellement motivés par la nécessité de décisions rapides en situation d’urgence.

Alors pourquoi le projet de texte ne crée-t-il pas ces dispositions « uniquement en situation d’urgence » ? Telles qu’écrites aujourd’hui, les dispositions du projet de texte s’appliqueront quel que soit le contexte. Tout repose alors sur la qualité du directeur. Si la personne sait faire preuve de discernement et maintient un bon niveau de dialogue social, les risques d’abus sont limités. Mais l’assouplissement de ces règles de décision ouvre la porte à d’éventuels abus. Plus les contre-pouvoirs sont supprimés, plus l’espace se libère pour des décisions excessives. Dans l’avenir, rien ne met les agents de l’hôpital à l’abris d’une direction très autocratique qui aurait alors tout loisir d’abuser légalement des droits qui lui sont ouverts.

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