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La Direction des Solidarités, de la Famille et de l’Egalité (DSFE) est au bord de l’implosion… Sous effectifs, surcharge de travail, personnes agressives voire violentes, sont le lot quotidien des agents de ce service dont on oublie souvent qu’il constitue le seul amortisseur social du Fenua.

Une détresse sociale en augmentation

Il est deux secteurs dans lesquels le nombre d’agents publics doit suivre celui de la démographie : la santé et le social. Plus il y a de personnes malades et plus il faut de soignants. Plus il y a de personnes en détresse et plus il faut des travailleurs sociaux pour les accompagner. Cette règle, l’administration et les gouvernements semblent l’oublier.

Le nombre de personnes en difficultés sociales progresse depuis de nombreuses années, et le Covid a visiblement accéléré le processus.

Dès lors, les agents de la DSFE dont les effectifs n’ont guère évolué se sont retrouvés avec des nombres croissants de cas à suivre, à épauler. Cependant, dans leur grande conscience professionnelle, ils ont tenté d’assumer la situation sans se plaindre, augmentant leur cadence et tentant par tous les moyens de répondre aux sollicitations.

Malheureusement, si la misère et la détresse sont en augmentation, ce n’est pas qu’en nombre. Plus les personnes souffrent et plus elles se montrent agressives. On ne compte plus le nombre d’agents de la DSFE menacés, agressés pour ne pas dire violentés. Ainsi, des vigils sont maintenant positionnés dans les différentes circonscriptions, y compris au bâtiment principal du service à Papeete.

A l’impossible nul n’est tenu

Personne ne semble s’être soucié de la dégradation des conditions de travail des agents des affaires sociales.

Pourtant, les signaux d’alerte ont été nombreux, le personnel ayant eu le courage de remonter auprès de sa hiérarchie son incapacité à remplir ses missions sereinement.

Le ministère en charge des affaires sociales est parfaitement informé de la situation, qu’il s’agisse de la précédente majorité ou de la nouvelle.

En peu de temps, trois personnes se sont succédé à la tête de la DSFE… un contexte compliqué pour construire une réponse adaptée à la situation.

Cependant, les agents ont fait preuve d’abnégation en mettant tout en œuvre pour préserver un semblant de cohésion sociale.

Lorsque l’effort doit être produit sur quelques mois, il est possible de le surmonter. Lorsque l’effort est produit depuis des années, arrive immanquablement le moment où le personnel craque.

Il n’est déjà pas facile d’être confronté à la misère et la détresse en permanence, mais lorsqu’en plus vos conditions de travail se dégradent sensiblement, le poids devient excessif.

Fatigue, épuisement, burn-out. Commencent alors les arrêts maladie pour certains. La misère ne s’arrête pas pour autant, donc la charge de travail des absents est répartie sur d’autres agents qui à leur tour finissent par craquer.

Sans aucun doute les agents des services sociaux ont commis l’erreur de vouloir à tout prix trouver des solutions, sans moyens supplémentaires à une détresse sociale croissante. Ils ont ainsi pallié la déficience de leur tutelle qui aurait logiquement dû leur accorder davantage de moyens.

Dès le départ, ils auraient dû refuser de laisser leurs conditions de travail se dégrader ainsi. En colmatant les brèches de partout, ils ont donné l’illusion à leur tutelle que tout était possible. Dès lors, pourquoi la tutelle se décarcasserait-elle à trouver des solutions puisque les agents eux-mêmes en apportent une.
La conscience professionnelle des travailleurs sociaux est aujourd’hui en quelques sortes responsable de leur détresse. Le politique considère, à tort, que les agents publics apporteront tôt ou tard la solution… puisqu’ils l’ont déjà fait par le passé.

Cette habitude du politique que les agents publics trouveront toujours une solution pour pallier les difficultés, ou bien qu’ils n’ont qu’à se débrouiller pour trouver des solutions, atteint maintenant ses limites dans le social.

Fuir pour sa survie !

Dans ce cadre, les agents des affaires sociales qui n’en peuvent plus fuient dès qu’ils en ont la possibilité. Et comme certains services proposent des conditions de travail bien plus intéressantes avec même des incitations financières, c’est l’hémorragie.

Non seulement les agents de la DSFE désertent les affaires sociales, mais compte tenu du climat et des conditions de travail, ce service peine à recruter.

Le cycle déjà vicieux s’aggrave alors davantage. De moins en moins d’agents disponibles, de plus en plus de cas à traiter et aucune perspective donnée par le ministère. Aujourd’hui, le service est au bord de l’implosion, et celle-ci semble pour bientôt.

La grève ? Pourquoi pas ? Mais la grève serait mal perçue par la population qui voit systématiquement dans le fonctionnaire une personne privilégiée.

Une grève imposerait certes des négociations avec la tutelle, mais en général le politique s’en tire avec des promesses et des engagements qui ne sont que très rarement tenus. En revanche, les grévistes eux s’en tirent avec un salaire amputé… et des conditions de travail inchangées.

En pareille situation, la meilleure réponse est sans doute la grève du zèle ! Prendre son temps, effectuer son travail correctement et ne plus chercher à répondre à toutes les détresses. Les laissés pour compte de la journée n’auront plus qu’à s’orienter vers le ministère qui comprendra alors ce à quoi les travailleurs sociaux sont confrontés.

Des immixtions extérieures, vecteur d’inégalités

Quand les personnes en détresse peinent à trouver sans délai une oreille attentive capable de leur donner tout ce qu’elles réclament, elles se tournent de manière presque instinctive vers le ministère de tutelle.
Au lieu de systématiquement renvoyer ces personnes vers les services administratifs, on les écoute, recueille leurs doléances et il semble qu’ensuite des instructions soient données aux services sociaux afin de leur accorder le soutien quémandé.

Comme n’accède pas au ministère qui veut, il s’en suit de profondes inégalités de traitements. Au ministère, on ne connaît de l’histoire de chacune de ces personnes que ce que celle-ci raconte ! Il n’y a pas de prise en compte des enquêtes sociales qui sont menées et qui parfois révèlent que des situations présentées comme « désastreuses » ne le sont pas autant que cela…

Comme le gâteau n’est pas extensible, l’injonction du ministère vient alors priver des personnes réellement dans le besoin.

Cette immixtion dans le travail des services sociaux pour imposer qu’untel ou qu’untel soit aidé au détriment d’un autre… nous semble assez limite. Même si l’intention reste d’aider des personnes en situation difficile, cela rappelle, dans une moindre mesure, une époque certes pas si lointaine, mais que l’on espérait révolue.

Un nécessaire plan d’urgence

Il faut être animé d’une foi extraordinaire pour accepter de côtoyer la misère et la détresse tous les jours. Soyons clairs, ils ne sont pas légion ceux qui conservent cette motivation.

Aujourd’hui, la DSFE possède un certain nombre de postes vacants que l’on peine à pourvoir. Mais comment être attractif en pareille situation ?

Si le social n’est pas dans les priorités du gouvernement, autant l’afficher clairement. Ainsi, personne n’en voudra aux agents de la DFSE de mettre fin à leur rythme de travail effréné. Ils s’occuperont posément des premiers arrivés et à 15H30 ils rentreront tranquillement chez eux en annonçant à ceux qui ne sont pas servis qu’il est préférable de dormir devant l’entrée principale pour faire partie des premiers servis le lendemain. Ils pourraient aussi proposer aux personnes d’aller camper directement devant le ministère.
En revanche si le social est important, et il doit l’être dans une société comme la nôtre où les inégalités sont colossales, alors il faut y mettre les moyens.

La réponse du politique doit être à la hauteur de l’enjeu. Il est temps que le politique reconnaisse la pénibilité du travail de tous ces agents sociaux. Il est tant qu’il mette tout en œuvre pour rendre la DSFE attractive en matière de recrutements et de carrières.

Certains métiers requièrent des formations qui ne sont malheureusement pas encore valorisées dans les statuts et dans les grilles salariales.

Ne s’improvise pas travailleur social qui veut ! Ces personnes sont formées. Il est possible de redéployer un travailleur social vers d’autres services administratifs. En revanche il est presque impossible de déployer des agents administratifs non formés dans le secteur social. Aussi, compte tenu de la nécessité de davantage de travailleurs sociaux, peut-être serait-il opportun que les formations existent au Fenua, qu’elles soient régulières et plus nombreuses.

Enfin, un tissu associatif existe pour intervenir là où notre administration ne peut réglementairement s’investir. Il y a donc des synergies à trouver pour accroître l’activité des associations d’insertion sociale par l’économique, pourquoi pas en y déployant parfois des travailleurs sociaux afin que ces derniers soient au plus près des personnes en difficultés.

Les principales centrales syndicales qui sont représentées au sein de la DSFE sont particulièrement attentives à la dégradation des conditions de travail.

Certaines considèrent que l’appel à la grève est la solution et elles poussent dans cette direction leurs adhérents.

Il est pour le moins déplacé de partir en grève avant d’avoir rencontré les autorités et d’avoir épuisé toutes les autres options. La grève c’est l’échec de tout le reste.

Espérons qu’il subsiste un petit espoir de voir le politique s’emparer réellement du problème avant que l’implosion ne soient irréversible.

Des revendications simples et légitimes

Les affaires sociales peinent à recruter car les candidats ne sont pas légion. Et lorsqu’une personne motivée se présente, se met en place tout un circuit administratif pour aboutir à la signature de l’arrêté d’affectation.

Ce parcours s’avère aujourd’hui très long, et certains candidats finissent par renoncer et trouver du travail ailleurs. C’est rationnel, ils ne peuvent attendre trop longtemps sans emploi avant de percevoir leur premier salaire.

Ce que les agents de la DSFE souhaitent donc, c’est que les circuits de recrutement soient considérablement rétrécis et pourquoi pas que la directrice elle-même bénéficie d’une délégation de signature pour les arrêtés d’affectation.

Un travailleur social est aujourd’hui un bac + 3, donc logiquement catégorie A, mais paradoxalement, ils sont toujours classés comme catégorie B. Dès lors, ces derniers souhaitent simplement être reconnus pour ce qu’ils sont, à savoir des catégories A avec une grille de rémunération en adéquation avec leur niveau de formation.

Notre syndicat rencontrera Monsieur le Président du Pays et Madame la Ministre en charge de la fonction publique dans les tous prochains jours et cette problématique sera bien évidemment abordée. Connaissant la sensibilité sociale de ces deux interlocuteurs, nous avons bon espoir qu’ils répondent favorablement à ces deux revendications.

En raison de l’imminence des recrutements de l’Etat en travailleurs sociaux, nous proposerons sans doute l’octroi immédiat d’Indemnités de Sujétions Spéciales pour inciter les agents à rester dans leur service… le temps que de meilleures conditions plus durables soient obtenues réglementairement.

Souvenons-nous que sans le travail d’accompagnement et de soutien de nos travailleurs sociaux, plus d’amortisseur social… et qui dit plus d’amortisseur social, dit mouvement de contestation des personnes les plus vulnérables (celles qui n’ont plus rien à perdre).

Nous vous rappelons que nous sommes à votre disposition pour tout problème que vous pourriez rencontrer, que vous soyez affilié(e) ou non à notre centrale.