Contrairement au secteur privé, le secteur public ne dispose d’aucune instance d’arbitrage des conflits. Dans le secteur privé, beaucoup de gens l’ignorent, mais l’inspection du travail peut être saisie autrement que pour des contrôles. Elle peut servir de médiateur en amont d’éventuelles procédures devant les tribunaux. Les inspecteurs rappellent alors aux salariés comme aux employeurs, les règles de droit à respecter.
Dans le secteur public, tout différend se termine devant le Tribunal Administratif
Le secteur public ne dispose pas de médiateur capable de rappeler tant aux hiérarchies qu’aux agents, les règles administratives auxquelles ils sont soumis.
Le moindre différend qui ne peut être régler à l’amiable se termine peu ou prou de la même façon. Soit l’agent abdique et renonce à faire valoir ses droits, soit l’affaire est directement portée devant le tribunal administratif.
Les risques de différends ne manquent malheureusement pas dans notre administration, d’autant que depuis plusieurs années maintenant, celle-ci a visiblement pris soin de ne surtout pas rechercher la moindre solution négociée.
Nous regrettons profondément cet état d’esprit et cet état de fait. Nous militons ardemment pour la création d’une instance dont le rôle serait d’intervenir en amont de la saisine du Tribunal Administratif.
Les missions de la Direction de la Modernisation et des Réformes de l’Administration (DMRA) pourraient par exemple être étendues à cet objet. Cependant, il faudrait que ce service devienne véritablement indépendant de sa tutelle pour éviter toute pression politique, ce qui dans le cadre actuel, est une pure utopie.
Actes contestés, délais de recours et principe de territorialité
Même si cela est frustrant, les auteurs des décisions contestées ne sont jamais poursuivis. Ce sont uniquement les décisions matérialisées par des actes qui sont attaquées. Ainsi, est-il possible d’attaquer des lois de pays, des délibérations, des arrêtés, des notes de services. Il est également possible d’attaquer l’absence d’acte ou le refus de transmettre des documents… En aucun cas il est possible de poursuivre une personne devant le Tribunal Administratif.
Votre adversaire ne sera donc pas l’auteur des décisions bafouant vos droits, mais l’autorité administrative de laquelle vous dépendez. Il peut s’agir de la « Commune » pour les agents communaux, de la « Polynésie française » pour les fonctionnaires territoriaux.
La règle générale est qu’un agent public dispose d’un délai de deux mois pour conster une décision devant le Tribunal Administratif. Passé ce délai, la décision discutable est réputée acceptée par tous les agents publics. Dès lors, même si celle-ci s’avère non conforme aux textes, elle deviendra incontestable.
Il est donc très important de bien veiller à ce que les délais de recours soient respectés afin de ne pas rendre votre procédure totalement irrecevable.
L’agent de la fonction publique doit respecter le principe de territorialité. Cela signifie qu’il doit porter l’affaire devant le Tribunal Administratif de l’endroit où il exerce son activité.
Pour la quasi-totalité des agents de Polynésie française, il faudra saisir le Tribunal Administratif de Papeete. En revanche, pour des agents publics exerçant de manière excentrée, c’est le Tribunal Administratif de leur lieu d’exercice qu’il faudra saisir. Ainsi les agents de la Délégation de la Polynésie française à Paris sont contraints de saisir le Tribunal Administratif de Paris, même s’ils appartiennent à l’administration polynésienne.
Instances de la juridiction administrative, recours aux avocats et délais de procédure
Comme toute juridiction, la juridiction administrative repose sur trois instances : Le Tribunal Administratif en première instance, la Cours Administrative d’Appel en seconde instance puis le Conseil d’Etat en troisième instance. Pour les agents de Polynésie française, la Cours Administrative d’Appel est à Paris.
En procédure administrative, les échanges sont essentiellement écrits. Il n’y a pas de plaidoirie comme cela peut être le cas au civil ou au pénal. Il est donc primordial de constituer un dossier solide.
En première instance, la saisine du Tribunal Administratif peut parfaitement être effectuée sans recourir aux services d’un avocat. Tout citoyen peut ainsi écrire ses propres requêtes et les déposer auprès du greffe du tribunal. Pour cela, soit les documents sont imprimés et déposés en version papier, soit ils sont téléchargés sur le site « Télérecours » de la juridiction administrative.
Saisir le Tribunal Administratif en première instance peut donc être effectué sans frais. Cependant, il est toujours préférable d’être assisté par un professionnel qui connaît le langage juridique et les procédures.
En revanche, l’appel d’une décision de justice devant la Cours Administrative d’Appel ne peut se faire que par le biais d’un avocat. Il en va de même lorsqu’il y a contestation devant le Conseil d’Etat.
Il vous faudra compter en moyenne entre sept mois et un an de procédure pour obtenir une décision du Tribunal Administratif à Papeete. Si ce délai vous paraît long, sachez que les mêmes procédures à Paris prennent environ deux ans. Le Tribunal Administratif de Papeete est donc plutôt réactif.
Comment rédiger une requête ?
Rédiger une requête impose de respecter certaines règles. En premier lieu il faut relater les faits et étayer chacune de ses assertions par un ou plusieurs documents.
En second lieu il est judicieux de faire état de la réglementation encadrant votre litige. Cette étape vous permettra de vous assurer que les textes sont bien en votre faveur et que votre administration ne les a pas respectés.
Pour cela, répertoriez les textes sur lesquels vous vous appuyez en précisant bien leurs références.
Même si la remarque peut paraître ridicule, lisez attentivement ces textes. Il y a parfois un décalage entre l’interprétation que l’on peut en avoir et ce qu’ils disent réellement. Il peut également y avoir méprise entre ce que l’on pense en connaître et ce qu’ils définissent véritablement.
En troisième lieu, vous devez démontrer en quoi les textes réglementaires n’ont pas été respectés dans le dossier qui vous concerne. Vous devez donc confronter les faits, votre narratif, à la réglementation. C’est ce que l’on appelle la discussion. Vous devez alors tenter de démontrer en quoi les textes qui sont sensés régir vos droits n’ont pas été respectés.
Enfin, en dernier lieu, il vous faudra conclure en indiquant ce que vous attendez comme décision de la part du tribunal. Dans la majorité des cas, vous demanderez l’annulation d’une décision ou d’un acte. Si des éléments financiers sont rattachés à ces actes, ils ne sont pas réclamés en tant que tels. Ils doivent apparaître comme la conséquence de l’annulation d’une décision, ou l’annulation d’un refus de décision.
En pareil cas, vous devez donc bien insister sur le fait que vous demandez l’annulation d’une décision ou d’un acte puis dans un second temps, rappeler les implications financières de cette annulation.
Lorsque vous rédigez votre requête, il ne doit pas y avoir de place pour les sentiments, pour les ressentis, ou l’à-peu-près. N’affirmez que ce que vous êtes en mesure de prouver et soyez précis.
Tous les documents que vous joignez doivent être numérotés et si possible respecter l’ordre d’apparition chronologique dans votre requête. Être numérotés signifie porter l’indication physique du numéro que vous leur avez attribué.
Votre requête doit impérativement être accompagnée d’un bordereau des pièces jointes. Ce document fait le lien entre les numéros des pièces et les noms donnés aux documents (notamment informatiques).
Il faut éviter les jeux de pistes qui pourraient fatiguer le magistrat qui instruira votre dossier. Même si les juristes sont habitués à lire des phrases longues et sophistiquées, il est préférable d’écrire des phrases simples et courtes. Une phrase… une idée.
Si vous choisissez de recourir aux services d’un avocat, il est fortement recommandé de vous livrer à l’exercice de cette écriture. Vous connaissez les faits mieux que votre conseil puisque c’est vous qui les avez subis. Vous pourrez alors remettre votre travail à votre avocat et cela lui simplifiera sensiblement la tâche. Cela peut également réduire les mauvaises interprétations de votre conseil. Vous orchestrerez ainsi la constitution du dossier et notamment des pièces jointes.
La lecture attentive des textes réglementaires peut parfois vous faire comprendre que vous n’êtes malheureusement pas dans votre droit. Morale et droit ne vont pas nécessairement de pair…
Le recours indemnitaire… une procédure particulière
Il se peut que vous ayez subi un préjudice de la part de votre administration qui n’a pas su vous protéger ou protéger vos droits. Par exemple, si l’administration reste inactive devant une situation qui vous a mis en danger physiquement ou moralement dans l’exercice quotidien de votre travail, vous pouvez réclamer réparation. C’est ce que l’on appelle un recours indemnitaire.
Ce type de recours est très particulier et il nécessite le respect d’une procédure bien spécifique.
En effet, vous ne pouvez pas porter l’affaire directement devant le Tribunal Administratif. Vous avez obligation de présenter préalablement votre revendication à la plus haute autorité administrative qui vous régit. Ainsi, pour les fonctionnaires territoriaux, il vous faudra effectuer un recours indemnitaire préalable auprès du Président de la Polynésie française.
Dans ce recours préalable, vous exposerez succinctement les faits tout en les justifiants, vous annoncerez le montant de votre préjudice et vous demanderez donc à obtenir réparation. N’étalez pas tous vos arguments et tous vos documents lors de cette étape.
L’autorité saisie dispose alors deux mois pour vous répondre. Passé ce délai, vous avez alors deux mois pour déposer votre recours devant le Tribunal Administratif.
Ce recours préalable est une sorte de tentative de conciliation, ou d’avertissement. Il s’agit d’une étape obligatoire ! Si elle n’est pas respectée, votre procédure devant le Tribunal Administratif sera jugée irrecevable.
En pareil cas, vous devrez être en mesure de justifier le préjudice que vous avez subi. Dans certains cas l’estimation peut s’avérer relativement simple car vous disposerez de factures ou d’éléments factuels pour effectuer votre estimation. Lorsque le préjudice est moral, l’estimation est plus compliquée.
Un conseil, soyez justes ! Si le Tribunal Administratif constate que votre revendication est démesurée par rapport à votre rémunération, il risque de ne pas accorder de crédibilité à votre demande. Il en va de même si l’estimation de votre préjudice s’avère trop minime. Par conséquent, soyez justes dans votre estimation.
N’agissez pas seuls (es) la première fois
Avant de se lancer seul(e) dans l’écriture d’une requête, il est préférable d’avoir été accompagné au moins une fois. Il est évident que pour beaucoup d’agents publics, les frais d’avocat peuvent constituer un obstacle dissuasif. Tout le monde n’a pas les moyens de verser entre 100 000 F.CFP et 200 000 F.CFP à un avocat pour une procédure administrative dont l’issue est incertaine.
Pour autant, l’argent ne doit pas représenter un frein au respect de vos droits par notre administration. Dès lors, n’oubliez jamais que les organisations syndicales sont normalement là pour vous aider et vous guider dans cet exercice. Aussi, n’hésitez pas à les solliciter si vous êtes contraints de saisir la juridiction administrative.
En cette période de fêtes, nous vous souhaitons à toutes et à tous, d’excellentes fêtes de fin d’année. Santé, bonheur et sérénité pour vous et vos proches.
Nous vous rappelons que nous sommes à votre disposition pour tout problème que vous pourriez rencontrer, que vous soyez affilié(e) ou non à notre centrale. Bien évidemment, nous accordons la priorité à nos adhérents.