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Le gouvernement est sur le point de faire passer une délibération relative à l’intégration des FEDA dans notre administration. Le projet de texte a déjà été inscrit au Conseil Supérieur de la Fonction Publique, les étapes suivantes ne devraient donc pas trop trainer.
Pour ceux qui ne le savent pas, les FEDA sont les Fonctionnaires d’Etat Détachés dans l’Administration.
Alors que ce dispositif est à bout de course et qu’il n’a quasiment jamais rempli son rôle, voilà qu’il refait surface. Au lieu d’affirmer la préférence à l’emploi local, au lieu d’offrir des perspectives à nos étudiants qui font de brillantes études, le gouvernement juge opportun de simplifier l’intégration des agents de l’Etat.

FEDA… un peu d’histoire

Lorsque notre administration s’est constituée, le Pays et l’Etat ont cru judicieux de permettre à des fonctionnaires métropolitains de venir renforcer, et normalement former, des fonctionnaires locaux.
Le dispositif est si ancien que les vétérans Polynésiens de la seconde guerre mondiale s’étaient déjà insurgés de voir les postes de l’administration occupés par des métropolitains, alors qu’ils espéraient après avoir risqué leur vie pouvoir se construire un avenir plus serein.
Malheureusement, la formation fut ainsi la grande oubliée de ce dispositif puisque malgré nos recherches, nous n’avons pas trouvé trace de fonctionnaires locaux pouvant affirmer avoir été formés par des FEDA. Nous n’avons pas trouvé trace non plus de formations organisées par des FEDA au profit de fonctionnaires locaux.
Ces agents bénéficient de très nombreux avantages : majoration de rémunération, primes diverses et variées, prise en charge des déplacements et déménagements, mais aussi congés administratifs.
Eh oui, vous avez bien lu ! Bien que les congés administratifs aient été supprimés pour les fonctionnaires et que par souci d’équité ils soient également suspendus pour les ANFA, les FEDA eux, continuent d’en profiter… sans doute par souci d’équité !
Ils sont aujourd’hui une soixantaine dans notre administration ou dans les cabinets ministériels. Ils font ce que bien des fonctionnaires locaux pourraient faire… mais en étant bien mieux rémunérés. Ils coûtent donc beaucoup plus cher à la collectivité.

Que prévoit cette délibération

L’objet de la délibération est de finalement faciliter leur intégration dans notre administration, qu’ils travaillent dans des services ou établissements ou qu’ils mettent leurs compétences au service des politiques dans les cabinets ministériels.
Point de concours pour intégrer la fonction publique, juste une lettre de demande. Le dossier est ensuite transmis à la Commission Administrative Paritaire du cadre d’emploi de la personne intéressée pour un simple avis. Puis la décision finale revient au Président du Pays.
L’intégration se fait au même grade que le FEDA demandeur, mais à l’échelon qui lui permet a minima de conserver sa rémunération d’expatrié. Et si l’échelon maximum ne suffit pas, alors la compensation est effectuée par des primes.
En résumé, cette Délibération est un peu comme le manuel du « comment devenir fonctionnaire local tout en conservant la quasi-totalité des avantages d’un expatrié ».

Un projet comme un symbole d’iniquité

Aujourd’hui, à de rares exceptions près, les fonctionnaires locaux ont intégré la fonction publique par concours. Ils sont pour la plupart rémunérés sans majoration et sans avantage.
Demain, ils pourraient donc avoir comme collègues des personnes qui feront exactement le même travail qu’eux, qui seront placés sous le même statut qu’eux, tout en percevant des rémunérations bien plus conséquentes. Ces situations d’inégalités existent déjà dans notre administration et elles posent socialement un problème.
Alors demain, comment expliquer à un fonctionnaire qu’il doit accomplir son travail avec entrain et dynamisme lorsqu’à ses côtés, travaille quelqu’un entré dans la fonction publique par opportunisme et qui jouit d’une rémunération bien supérieure ? Pourquoi le concours est-il la règle pour les locaux alors que les FEDA peuvent s’en affranchir ?
Le projet de loi ne prévoit aucun garde-fou et la décision d’intégration est finalement entre les seules mains du Président qui pourra alors agir de manière discrétionnaire. Car l’avis de la Commission Administrative Paritaire n’est qu’un avis et non une décision. Cet avis, même défavorable, pourra être contourné par la miraculeuse « nécessité de service ». Celle-là même qui est utilisée à contrario pour empêcher les agents locaux de bénéficier de décharges d’activité au profit des syndicats.
Ce dispositif introduit immanquablement une très forte politisation de ces FEDA. Tout fonctionnaire d’Etat qui voudra intégrer la fonction publique par ce dispositif saura parfaitement qu’il doit caresser dans le sens du poil le Président ou sa majorité. Il y a quelques années, notre syndicat avait même employé le mot de mercenariat.
Où sont donc alors passés ces bons principes énoncés dans le statut de la fonction publique qui annonce l’absence de toute discrimination ethnique, politique ou religieuse ?
Et comme de bien entendu, le dispositif est à sens unique puisque les fonctionnaires locaux n’ont pas la possibilité d’entrer dans la fonction publique d’Etat dans des conditions équivalentes à celles des FEDA.

Quid de l’océanisation des cadres ?

Entre les discours et les actes il semble donc exister non pas un fossé, mais un océan. Nos dirigeants ne cessent de répéter leur attachement à l’océanisation des cadres et de promouvoir les études longues et difficiles auprès de nos étudiants.
Un tel projet de délibération est aux antipodes des discours officiels. N’ayons pas peur des mots, il se présente comme une soumission à l’ancienne puissance coloniale.
A de très rares exceptions près, les FEDA n’ont aujourd’hui plus d’avenir dans notre administration. Nous disposons de bien des possibilités pour recruter en CDD dans notre institution si des besoins se font sentir, y compris des expatriés… Mais ces recrutements se font aux conditions de la fonction publique territoriale et non avec tous les avantages d’un FEDA.
Seuls quelques rares postes destinés normalement à préserver l’indépendance d’un établissement public du politique sont encore justifiés. Et encore, faut-il qu’ils soient occupés par des fonctionnaires emplis de principes et non par des mercenaires.
Comme évoqué au début de cette lettre mensuelle, les FEDA n’ont jamais formé qui que ce soit et cette assertion est encore plus vraie sur ces 20 dernières années. Parallèlement, le nombre de polynésiens avec un bon niveau de formation est conséquent aujourd’hui. Il faut justement leur laisser la chance de s’exprimer, quitte à ce qu’ils commettent des erreurs. C’est en apprenant de leurs erreurs qu’ils s’amélioreront.

La délibération que nous espérions

Nous aurions espéré au contraire une délibération qui annonce très clairement la fin de ce dispositif et qui adresse un message clair tant aux FEDA qu’aux fonctionnaires territoriaux qu’aux étudiants polynésiens.
D’abord, nous aurions apprécié que les FEDA se voient supprimer les congés administratifs comme tous les autres fonctionnaires… justement par souci d’équité.
Ensuite, nous aurions voulu que cette délibération empêche toute intégration simplifiée, mais qu’au contraire, elle impose le concours et le redémarrage d’une carrière en cas de réussite. Cela empêchait de facto toute intégration à rémunération constante.
Il ne s’agit pas d’interdire l’accès à la fonction publique territoriale aux expatriés métropolitains, puisque les FEDA ont parfaitement la possibilité de se présenter aux concours… quand ils ont lieu.
Nous auront la plus grande vigilance sur ce projet de texte et nous vous tiendrons informés des suites qui lui seront données.

Nous vous rappelons que nous sommes à votre disposition pour tout problème que vous pourriez rencontrer, que vous soyez affilié(e) ou non à notre centrale. Bien évidemment, nous accordons la priorité à nos adhérents.